Depuis mon enfance, je me suis interrogée sur la question de mon identité sociale : Française ou Corse ? Corse et Française ? Ou exclusivement Corse ? Cette interrogation, persistante et récurrente, a accompagné mon parcours personnel sans jamais trouver de réponse définitive. J’ai compris en grandissant que cette quête identitaire relevait d’une dynamique bien plus complexe que je ne l’avais imaginé.
À l’école, puis à l’université, j’ai été confrontée à différentes représentations de l’identité collective. Si la France ne constituait pas pour moi une menace directe, l’identité corse apparaissait sous un prisme bien plus sensible. Elle me semblait marquée par une vigilance extrême face à l’extérieur, et animée par un besoin constant de légitimation.
C’est à l’université que cette impression s’est confirmée. J’ai alors découvert la notion de narcissisme de groupe, concept qui décrit la tendance d’un collectif à survaloriser son identité, la considérant comme supérieure, tout en rejetant toute remise en question. Ce phénomène m’a profondément troublée. L’incapacité à accepter la critique – qu’elle soit interne ou externe – et la propension à réagir par la colère, voire l’agressivité, m’ont poussée à prendre de la distance avec ces schémas sociaux.
Le narcissisme de groupe agit comme un mécanisme défensif : il protège le sentiment d’appartenance, mais enferme aussi les individus dans une forme d’unanimisme contraignant. L’obéissance, implicite dans cette logique, devient alors une valeur centrale. Or, si l’obéissance peut avoir des aspects positifs – cohésion, stabilité, transmission – elle peut également dériver en soumission aveugle. En déléguant une partie de notre responsabilité à une autorité collective, nous risquons de perdre notre autonomie et notre libre arbitre.
Il est certain que toute communauté repose sur un minimum d’autorité et de règles partagées. Cependant, je refuse de devenir prisonnière d’une identité qui m’imposerait la conformité par peur du rejet ou par devoir de loyauté. Fermer les yeux sur les conséquences de ses propres actes au nom d’une identité collective, c’est s’exposer à une forme d’aliénation.
Comme l’a écrit Anne Rice : « Je me sens étrangère, et je me sentirai toujours étrangère. Je n’ai jamais été membre d’un groupe particulier ». Cette affirmation résonne profondément en moi. Je me sens étrangère aux groupes qui enferment l’individu dans des étiquettes, étrangère aux logiques d’appartenance qui limitent la liberté d’être. Je préfère cultiver une identité plurielle, mouvante, plutôt que de me soumettre à des diktats sociaux et culturels.
En définitive, il est illusoire de vouloir échapper totalement à tout système d’autorité. Mais préserver notre autonomie individuelle et notre intégrité morale demeure un enjeu essentiel. Résister au narcissisme de groupe, c’est refuser l’enfermement identitaire et choisir une liberté plus vaste : celle de penser et d’exister en dehors des stéréotypes. Et c’est peut-être là que réside la véritable essence de la vie.








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