Sécurité Ou Liberté ? Plaidoyer Pour Le Jury Populaire En Corse
En tant que femme, citoyenne et observatrice attentive de notre société, je ressens une profonde inquiétude face à l’évolution de notre justice, particulièrement en Corse, où la lutte contre la mafia soulève des débats passionnés. Pourtant, malgré les défis immenses que pose la criminalité organisée, je reste convaincue que le jury populaire est un pilier indispensable de notre démocratie judiciaire.
La Corse est souvent décrite comme un territoire où la mafia exerce une influence insidieuse, menaçant non seulement les institutions mais aussi la confiance des citoyen·ne·s envers la justice. Dans ce contexte, certain·e·s prônent des « juridictions d’exception », supposées plus efficaces face à des réseaux criminels complexes. Mais à quel prix ? Ces structures, bien qu’animées par de nobles intentions, risquent de saper les principes fondamentaux de notre État de droit. L’idée même d’une justice rendue sans jury populaire me semble liberticide : elle éloigne encore davantage le·la citoyen·ne de la mécanique judiciaire et renforce une perception élitiste et opaque du système.
Le jury populaire, composé de citoyen·ne·s ordinaires, incarne une forme d’équilibre entre expertise juridique et sens commun. Il est vrai qu’en matière de lutte contre la mafia, les pressions peuvent être immenses. Mais c’est précisément pour cela que son rôle est crucial. Il rappelle que la justice n’est pas une affaire réservée aux professionnel·les ou aux expert·e·s : elle appartient à toutes et tous.
L’histoire nous offre d’ailleurs des exemples édifiants. Aux États-Unis, lors des procès contre la mafia italo-américaine dans les années 1980, des jurys populaires ont contribué à condamner des figures emblématiques du crime organisé. Plus récemment, en Italie, des procès historiques ont permis de juger des centaines de membres de la « Ndrangheta » grâce à des jurys courageux et déterminés. Ces affaires montrent que, même dans des contextes intimidants, le jury populaire peut être un acteur clé d’une justice équitable et impartiale.
Cependant, je ne suis pas sourde aux critiques. Certain·e·s craignent que les juré·e·s soient vulnérables aux menaces mafieuses ou influençables face à des affaires complexes. Ces préoccupations sont légitimes. Mais au lieu d’écarter le jury populaire, pourquoi ne pas renforcer sa protection et son accompagnement ? Des mesures comme l’anonymat des juré·e·s ou un encadrement psychologique plus poussé pourraient être envisagées pour garantir leur sérénité.
La lutte contre la mafia ne doit pas se faire au détriment de nos valeurs démocratiques. Si nous cédons à la tentation d’une justice expéditive et déshumanisée, nous risquons de perdre bien plus qu’un combat contre le crime : nous perdrons une part essentielle de ce qui fait notre société.
Pour moi, croire encore au jury populaire, c’est croire en la capacité des citoyen·ne·s à défendre l’idéal de justice. C’est refuser de céder à la peur ou au cynisme. Et c’est surtout affirmer que, face à l’ombre de la mafia, la lumière de nos principes démocratiques doit continuer de briller.






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