Parfum De Fleurs Et Relents D’absurdité
Le Cours Saleya, c’est un tableau vivant. Les façades colorées y chantent sous le soleil, les allées bruissent d’accents qui roulent et ricochent comme des vagues. Ce matin-là, le marché aux fleurs déployait son opulence : brassées de pivoines gourmandes, éclats orangés de tulipes, promesses d’iris à peine écloses. L’air vibrait d’effluves de jasmin et de citrons, et moi, je me laissais porter, butinant d’un étal à l’autre, le cœur léger.
J’étais penchée sur un panier de bulbes quand une voix, tonitruante et sentencieuse, déchira l’harmonie du lieu.
– Une bonne guerre, voilà ce qu’il nous faut pour sortir de ce marasme !
Je redresse la tête. L’auteur de cette ânerie ? Un bonhomme ventru, sanglé dans un manteau en laine et cachemire – à vue d’œil, cousu sur mesure pour épouser ses rondeurs. Il trônait là, sûr de lui, ses propos flottant dans l’air comme une odeur rance au milieu du parfum des roses.
Autour de lui, quelques badauds opinent du chef. Pas forcément convaincus, mais fascinés par l’assurance du personnage.
Mon sang ne fait qu’un tour. Je m’avance et lui lance, d’un ton faussement enjoué :
– Vous avez raison, monsieur !
L’assemblée se fige, intriguée. Mon homme gonfle le torse, conforté dans son rôle de sage prophète. J’enchaîne, savoureuse :
– Regardez autour de nous ! Ces maisons ridicules, toutes en couleurs et en lumière ! Ce marché, avec ses parfums insupportables et ses fleurs indécentes de beauté ! Franchement, ne serions-nous pas mieux entourés d’un champ de ruines, d’immeubles effondrés et d’une bonne odeur de charogne ?
Le silence tombe, épais comme un mistral d’hiver. L’homme cligne des yeux, la bouche entrouverte. Les visages autour de nous se transforment, oscillant entre perplexité et éclats de malice retenue.
Je marque une pause, histoire de laisser mon propos infuser, puis, d’une révérence théâtrale, je les abandonne là, ravalant un fou rire devant leurs mines ahuries.
Quelques mètres plus loin, un étal m’attire : une marchande au sourire franc me tend un bouquet de mimosas.
– Tiens, cadeau. Ça sent meilleur que les sottises, non ?
Je ris, et je respire à pleins poumons. Ici, la vie l’emporte toujours sur la bêtise.







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