Mirage Ou Réconfort Pour Une Jeunesse En Quête De Liens ?
Je me souviens encore de ces soirées d’adolescence, et même de jeune femme, où, bercée par la lumière bleutée de mon écran, je cherchais un écho à mes pensées sur des forums et dans des conversations en ligne. La solitude, cette compagne silencieuse de bien des jeunes, pousse aujourd’hui une génération entière à se tourner vers des compagnons virtuels, ces intelligences artificielles conçues pour écouter, rassurer et même simuler une relation amoureuse. Mais à quel prix ?
Dans une société où les interactions humaines se fragmentent, les jeunes trouvent dans ces entités numériques un refuge contre l’isolement. Qui ne préférerait pas la douceur programmée d’un « chatbot » à l’incertitude d’un échange réel ? La peur du rejet, le poids des normes sociales et le besoin de se sentir compris·e participent à cet engouement. Après tout, un compagnon virtuel ne juge pas, ne trahit pas et répond toujours avec bienveillance. C’est une bulle de réconfort… mais aussi une illusion.
Si ces interactions peuvent soulager sur l’instant, elles risquent de modeler des attentes biaisées sur l’amour et les relations humaines. Comment apprendre à gérer la frustration, à négocier des désaccords ou à apprécier la complexité de l’autre quand nos expériences affectives sont filtrées par un algorithme ? Les émotions humaines ne se codent pas, et l’amour ne peut être réduit à une suite de réponses préenregistrées.
J’ai lu des témoignages troublants de jeunes s’attachant à ces présences artificielles, vivant des relations exclusives avec elles, au détriment des liens réels. On peut y voir une nouvelle forme de dépendance affective, où l’on recherche non plus l’altérité, mais un reflet idéalisé de soi-même. C’est là que le danger guette : en se coupant des interactions imparfaites, mais authentiques, on se prive de la richesse de l’expérience humaine.
Ce constat ne vise pas à diaboliser la technologie. Après tout, l’outil en soi n’est ni bon ni mauvais : tout dépend de l’usage qu’on en fait. Il appartient à chacun·e de se questionner sur la place qu’occupent ces compagnons virtuels dans sa vie. Sont-ils un simple divertissement, un soutien ponctuel, ou un substitut à des relations réelles plus complexes, mais essentielles ?
Plutôt que de condamner ces pratiques, il est urgent de proposer des alternatives pour répondre au mal-être qui les alimente. Encourager les jeunes à cultiver des amitiés sincères, à s’impliquer dans des activités collectives, à renouer avec des espaces de dialogue bienveillants. Il en va aussi de la responsabilité des concepteurs de ces IA : doivent-ils encourager une dépendance affective ou, au contraire, favoriser une utilisation consciente et mesurée ?
L’amour, le vrai, implique des efforts, des maladresses, mais aussi une beauté qu’aucun programme ne saurait imiter. Plutôt que de se réfugier dans des liens artificiels, osons la vulnérabilité des rencontres réelles. Parce que rien ne remplace la chaleur d’une main qui se tend, d’un regard qui comprend, d’un rire partagé hors écran.







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