Élagage Intellectuel : Faut-Il Sauver Nos Livres Du Bûcher Moderne ?
Imaginez un monde où emprunter un livre sur l’aromathérapie serait aussi risqué que demander une potion magique à Merlin. Un monde où les bibliothèques municipales, ces temples du savoir, deviennent les grands inquisiteurs du XXIe siècle, traquant sans relâche tout ce qui ne sent pas bon la science validée par le comité officiel de la Vérité Absolue. Oui, mes ami·e·s, le désherbage sélectif est en marche, et il compte bien nous protéger de nous-mêmes.
Le Désherbage En Bibliothèque – Une Pratique Nécessaire ?
Soyons claires : l’élimination de certains ouvrages en bibliothèque n’est pas une hérésie. Les bibliothèques n’ont ni l’espace infini d’Internet ni la possibilité de stocker indéfiniment des guides de voyage vers l’URSS ou des manuels d’informatique datant de Windows 95. L’objectif du désherbage est donc simple : retirer les livres obsolètes, peu empruntés ou en piteux état pour maintenir une collection pertinente et accessible. En théorie, rien de scandaleux.
Mais Attendez… Qui Décide De Ce Qui Est « Pertinent » ?
Quand Le Désherbage Devient Sélectif – Ciblage Des Médecines Alternatives
Jusqu’ici, la désuétude était une condamnation suffisante. Mais aujourd’hui, un nouveau critère est apparu : le degré de conformité à la sacro-sainte Science Officielle. Et c’est là que ça se corse. Désormais, les ouvrages sur l’homéopathie, la naturopathie, la médecine ayurvédique et même la méditation sont regardés d’un œil méfiant. Trop ésotériques, trop contestables, trop… dangereux pour nos esprits influençables.
Soyons honnêtes : personne ne vous force à troquer votre Doliprane contre des infusions de camomille sous influence astrale. Mais faut-il pour autant éradiquer toute mention de ces pratiques sous prétexte qu’elles ne passent pas le test du double aveugle randomisé ?
La Police De La Pensée En Action – Vers Une Uniformisation Des Savoirs ?
Ce qui pose problème, ce n’est pas qu’on écarte un livre manifestement trompeur (personne ne pleurera la disparition du « Guide complet pour guérir le cancer avec des cristaux énergétiques »). C’est que cette tendance ouvre la porte à une uniformisation des connaissances disponibles. Qui décide de ce qui est digne d’être lu ? Pourquoi faire de la bibliothèque un sanctuaire de la pensée unique, plutôt qu’un lieu où coexistent différentes visions du monde ?
Aujourd’hui, ce sont les médecines alternatives qui sont en ligne de mire. Demain, faudra-t-il expurger les rayons de philosophie des ouvrages trop relativistes ? Débaptiser les classiques de la littérature pour cause d’idées jugées désuètes ? Où s’arrête le tri « bienveillant » et où commence la censure intellectuelle ?
Les Bibliothèques, Temples Du Savoir Ou Gardiennes De L’orthodoxie Scientifique ?
Les bibliothèques ne sont pas (encore) des agences de certification scientifique. Leur rôle n’est pas de ne proposer que du contenu validé par un comité d’experts, mais bien de refléter la diversité des savoirs et des points de vue. À ce rythme, faudra-t-il une accréditation pour qu’un livre ait le droit d’exister sur une étagère municipale ?
Soyons sérieux : personne ne prétend que tous les livres se valent. Mais ce n’est pas à une poignée de technocrates du tri bibliographique de décider ce que nous avons le droit de lire ou pas. La pluralité des idées est une richesse, et il n’appartient pas aux bibliothèques d’agir comme des gardiennes de l’orthodoxie.
Vers Une Résistance Des Lecteurs – Défendre La Pluralité Des Connaissances
Face à cette dérive, que faire ? D’abord, ne pas rester passif·ve. Défendre la diversité des savoirs, c’est militer pour une politique d’acquisition inclusive, où les lect·eurs·ices ont leur mot à dire. Ensuite, soutenir les ouvrages menacés de disparition en les empruntant, en en parlant, en montrant qu’ils ont leur place sur les rayons. Enfin, rappeler que la mission première d’une bibliothèque est d’offrir un espace d’exploration intellectuelle, et non de restreindre l’accès aux connaissances sous prétexte de bien-pensance scientifique.
Conclusion
Le désherbage est une nécessité, certes, mais il ne doit pas devenir une arme idéologique visant à imposer une vision unique du savoir. Défendons une bibliothèque ouverte à tous les courants de pensée, où chacun·e peut se forger sa propre opinion en explorant une diversité de connaissances. Après tout, un esprit critique ne se construit pas dans l’entre-soi.






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