Peut-On Chérir Nos Félins Tout En Protégeant La Biodiversité ? Une Exploration Sensible D’un Dilemme Intime Et Écologique.
Il est 7h12. Comme chaque matin, elle saute d’un bond souple sur le rebord du lit, me frôle d’un miaulement râpeux, puis s’installe contre moi en ronronnant. Sa chaleur, ce petit corps de chasseuse au repos, me réconforte avant même que le jour commence. Elle s’appelle Sésame. Douce, têtue, imprévisible. J’aime la regarder vivre. Et pourtant, en caressant son pelage soyeux, une pensée me traverse de plus en plus souvent : Et les autres ? Ceux qu’elle guette derrière la fenêtre, ceux qu’elle croise parfois dans le jardin. Peut-on aimer un animal qui, sans le vouloir, nuit aux autres ?
Un Amour Félin, Vieux Comme Le Monde
J’ai toujours aimé les chats. Le premier s’appelait Moka. J’avais huit ans. Il dormait dans mes livres, me suivait partout, et avait cette façon presque magique de sentir mes chagrins. Depuis, il y a eu d’autres félins dans ma vie – chacun unique, libre, jamais tout à fait domestiqué. Ce que j’aime chez eux ? Leur mystère, leur indépendance, cette tendresse qu’ils offrent sans jamais la vendre. Ils m’apaisent, me relient au vivant, m’ancrent dans le présent.
Les chats ne sont pas seulement des animaux de compagnie, ils sont des membres de la famille. Et pourtant…
Le Poids Invisible De Leurs Griffes
Ce n’est pas une idée neuve, mais c’est une réalité trop souvent ignorée : les chats domestiques ont un impact important sur la biodiversité locale. En France, selon une étude de l’Office français de la biodiversité (2020), les chats tueraient chaque année plusieurs dizaines de millions d’oiseaux, de petits mammifères et de reptiles. À l’échelle mondiale, des chercheurs comme Peter Marra (Smithsonian Institution) estiment que les chats seraient responsables de la disparition d’au moins 63 espèces de vertébrés (Nature Communications, 2013). C’est vertigineux.
Et ce n’est pas parce que Sésame mange des croquettes haut de gamme qu’elle ne chasse pas. La prédation est inscrite en elle. Ce n’est ni sa faute, ni la mienne. Mais c’est notre responsabilité commune, désormais, d’en prendre conscience.
Une Cohabitation Ancienne, Une Responsabilité Moderne
Les chats partagent notre histoire depuis près de 10 000 ans. Nés au cœur du Croissant fertile, ils ont suivi les routes du blé, des caravanes et des bateaux. Dans les campagnes d’Europe, ils ont été gardiens de greniers, compagnons des sorcières et des solitaires. Aujourd’hui, ils sont partout – dans les foyers, sur les réseaux sociaux, jusque dans les livres pour enfants.
Mais cette présence intime a un revers : nous avons oublié qu’ils ne sont pas naturellement intégrés aux écosystèmes, surtout là où ils ont été introduits par l’humain. Nos représentations culturelles les idéalisent, parfois au détriment du vivant qui les entoure.
Vers Un Soin Partagé, Pour Eux Et Pour Les Autres
Quand j’ai appris tout cela, j’ai d’abord ressenti de la culpabilité. Puis j’ai compris qu’il fallait transformer cette émotion en action douce. J’ai commencé par limiter les sorties de Sésame aux heures creuses pour la faune locale. Puis je lui ai mis une clochette – elle n’a pas adoré, moi non plus, mais les oiseaux, eux, s’en sortent mieux. J’ai enrichi son environnement intérieur avec des cachettes, des perchoirs, des jouets. J’envisage même un « catio », cet enclos extérieur sécurisé qui protège à la fois les chats et les proies.
Ces gestes ne sont pas des solutions parfaites, mais ils dessinent une éthique du soin. Une manière d’aimer autrement : en tenant compte de l’invisible.
Réconcilier L’amour Et L’écologie
Aimer les chats n’est pas un problème. Refuser d’interroger notre lien avec eux, si. Ce dilemme m’a appris que toute relation profonde implique des tensions, des ajustements, des renoncements parfois. Il m’a aussi rappelé que le vivant n’est pas fait de compartiments étanches : ce que je fais pour Sésame, je le fais aussi pour les oiseaux, les hérissons, les lézards. Pour ce monde que j’habite avec eux.
Il ne s’agit pas de choisir entre son chat et la biodiversité. Il s’agit d’apprendre à composer, à écouter, à ajuster. De cultiver une écologie de la relation, patiente et imparfaite, mais vivante.
Ce matin encore, Sésame me regarde depuis le bord de la fenêtre, le soleil sur ses moustaches. Peut-être qu’elle rêve de chasse. Moi, je rêve d’un monde où notre tendresse ne coûterait rien aux autres. En attendant, je veille. Je l’aime. Et je fais de mon mieux.
PS : je n’ai pas de chat, mais ça pourrait être moi.






Laisser un commentaire