De L’abandon Précoce À La Quête D’équilibre
Il suffit parfois d’une phrase. « T’a maman n’est pas ta maman… elle t’a trouvée dans une poubelle ! » chantaient en chœur des enfants de mon âge dans la cour de l’école.
J’avais cinq ans. Je ne comprenais pas tout, mais je sentais que ces mots faisaient mal, très mal. Ce n’était pas une révélation douce. C’était un coup, un rejet brutal jeté à la figure comme une honte. Deux ans plus tard, ma mère adoptive est partie. Sans un au revoir. J’ai cru que c’était à cause de moi. À douze ans, mon père adoptif est mort à l’hôpital, emporté par une infection nosocomiale qu’ils n’avaient pas su voir venir. Alors, il ne restait que le silence et la culpabilité. Cet article, c’est une tentative d’ordonner ces éclats, de comprendre les traces que ces blessures ont laissées, et de témoigner d’un chemin qui ne sera jamais terminé, mais qui mérite d’être raconté.
Quand L’enfant Intérieur Murmure Encore
Parmi les blessures que Lise Bourbeau a identifiées, deux me traversent de part en part : l’abandon et le rejet. ([source]) Être adoptée ne m’a jamais posé problème en soi, mais le regard posé sur cette adoption, le non-dit devenu accusation, ont planté en moi une graine d’illégitimité. Quand ma mère est partie, j’ai cru que je n’avais pas été assez aimable pour être aimée. Quand mon père est mort, j’ai pensé que l’amour n’était pas fait pour durer. Je portais tout cela sans le savoir. Je devenais experte dans l’art de cacher le vide.
Les Empreintes Silencieuses Sur Nos Choix D’adulte
On croit choisir librement. Et pourtant. Mes relations ont souvent été guidées par la peur de perdre, de ne pas suffire, d’être abandonnée à nouveau. J’ai parfois toléré l’intolérable pour ne pas revivre la rupture. Je me suis perdue dans des métiers, des passions ou des gens qui me validaient provisoirement. Comme le dit Boris Cyrulnik : « On ne guérit jamais d’un chagrin d’enfance, on le transforme. » ([source]) Et mes choix de vie, souvent chaotiques, sont la preuve que la blessure n’est jamais bien loin. Mais ils sont aussi le signe que je continue de chercher, donc de vivre.
Le Moment Du Déclic
En famille d’accueil, j’ai rencontré une psy. Elle ne m’a pas posé de questions au début. Elle m’a juste regardée comme si j’étais digne d’attention. Pour moi, ça a tout changé. C’est là, entre deux silences, que j’ai commencé à dire ce que je ressentais, à démêler ce que j’étais de ce qu’on avait projeté sur moi. Le déclic n’a pas été un éclair mais un fil qu’on tire, lentement, patiemment. Nommer ma douleur, c’était déjà cesser de la subir.
L’introspection Comme Chemin De Guérison
Je continue aujourd’hui ce dialogue intérieur. J’écris. Je lis. Je parle. J’écoute aussi beaucoup, notamment les voix de femmes qui osent nommer leur faille. L’introspection ne guérit pas tout. Elle ne panse pas la perte. Mais elle éclaire les zones sombres. Il m’arrive encore de fuir, de pleurer sans comprendre, ou de douter de ma place. Mais au moins je sais d’où ça vient. Ce savoir-là m’ancre, même quand la mer est agitée.
Ce Que J’apprends Encore Chaque Jour
On ne guérit pas une fois pour toutes. On apprend à marcher avec ses cicatrices. Il y a des jours où elles tirent, d’autres où elles deviennent presque invisibles. Ce chemin m’a appris l’empathie, la tendresse envers l’autre mais surtout envers moi-même. Et si je trébuche parfois dans mes choix, c’est aussi parce que j’essaie encore, et toujours, d’aimer malgré la peur.
Conclusion
Nos blessures ne sont pas des fautes. Elles sont des histoires inachevées que nous portons. Je n’essaie plus de les faire taire. Je leur tends la main. Écouter sa propre histoire, c’est déjà la réconcilier avec la vie.






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