Les petits billets de Letizia

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Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

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Sous Les Lampadaires Éteints : Que Reste-T-Il De L’enfance ?

 Un Couvre-Feu Pour Les Enfants – Faut-Il S’en Réjouir Ou S’en Inquiéter ?

Réflexion engagée sur le couvre-feu des moins de 13 ans à Viry-Châtillon, entre autorité, liberté et stigmates silencieux.

À Viry-Châtillon, en Essonne, le silence nocturne se veut désormais discipliné. Depuis début avril, les enfants de moins de 13 ans n’ont plus le droit d’arpenter seuls les rues entre 23 h et 6 h du matin. La mesure, présentée comme un outil de prévention contre la délinquance juvénile, réveille en moi une inquiétude plus profonde : qu’attend-on réellement de cette décision ? En tant que femme et citoyenne, je ne peux m’empêcher de ressentir un tiraillement entre compréhension sécuritaire et malaise fondamental.

Ce billet est donc un pas de côté. Une tentative de regarder au-delà de l’apparente évidence, pour interroger ce que cette décision révèle – de notre rapport à l’enfance, à l’éducation, à la société tout entière.

Le Diagnostic Sécuritaire : L’enfant Vu Comme Fauteur De Trouble

Le maire de Viry-Châtillon, Jean-Marie Vilain (Horizons), a justifié cette mesure par une montée des incivilités nocturnes, pointant du doigt de très jeunes individus livrés à eux-mêmes, parfois auteurs ou complices d’actes de dégradation ou d’agression. Le message est clair : il faut reprendre la main, poser une limite nette dans l’espace public.

Mais cette logique de contrôle me dérange. Elle repose sur l’idée que l’enfant est d’abord un problème à contenir, un risque à neutraliser. Ce n’est pas nouveau : la sociologue Sylvie Octobre évoque depuis des années la « panique morale » autour des jeunes des quartiers populaires (*L’enfant et la culture, La Documentation française, 2010). À force de placer l’enfant sous surveillance policière, on en oublie de le regarder comme un sujet en devenir.

Et Les Parents Dans Tout Ça ? Entre Culpabilité Et Désengagement

Ce couvre-feu résonne aussi comme une mise en accusation implicite des parents. Où sont-ils, pourquoi laissent-ils leurs enfants dehors si tard ? Je l’ai entendu, je l’ai pensé parfois – avant de me rappeler mes propres contradictions.

J’ai grandi en famille d’accueil dans un quartier où les parents travaillaient tard, où les grands frères remplaçaient souvent les figures adultes. J’ai vu de nombreuses mères, femmes seules et courageuses, courir entre deux emplois en espérant que leurs enfants tiennent debout. Parfois, ils sortaient. Pas pour déranger, mais pour exister un peu ailleurs.

Oui, il est fondamental de rappeler la responsabilité éducative des adultes. Mais il est tout aussi essentiel de ne pas confondre précarité et laxisme, débordement et abandon. La parentalité ne se décrète pas, elle se soutient.

Liberté, Stigmatisation Et Blessures Invisibles

Que comprend un enfant qu’on raccompagne chez lui sous escorte municipale ? Que dit-on de lui, à lui, à ses amis ? Le message n’est pas que protecteur. Il devient aussi stigmatisant, presque infamant. Une étude de l’UNICEF France de 2022 alertait déjà sur les conséquences psychologiques des contrôles de police sur les mineurs ([Source])). Peur, perte de confiance, sentiment d’exclusion.

Peut-on grandir sous injonction policière ? Je me pose cette question en pensant à mes propres enfants, à cette frontière si ténue entre l’obéissance et la résignation. L’autorité est nécessaire, mais elle ne peut se substituer à la bienveillance éducative.

Une Autre Voie Est-Elle Possible ?

Il existe des alternatives. À Nantes, par exemple, le programme « Promeneurs du Net » mise sur une présence adulte bienveillante sur les réseaux et dans les lieux de vie des jeunes. À Bordeaux, des « référents de rue » accompagnent les adolescents en difficulté, tissant un lien durable plutôt qu’imposant une sanction immédiate ([Source]).

Je crois à ces approches, lentes, coûteuses sans doute, mais infiniment plus fécondes. Il nous faut une politique qui investisse dans l’avenir plutôt qu’elle ne le verrouille. C’est une question de confiance, pas seulement de moyens.

Quand L’état S’invite Dans Les Ruelles De L’enfance

Alors, ce couvre-feu est-il une réponse adaptée ? Je comprends le désarroi des élus. Mais je crois que la méthode trahit la finalité. Plutôt que d’éduquer, on restreint. Plutôt que d’écouter, on surveille. Et ce faisant, on risque de faire grandir une génération non pas apaisée, mais blessée.

Je ne rejette pas l’idée d’un cadre, mais j’appelle à une éthique de la nuance. Un débat public digne, une politique publique habitée, une société qui croit encore en la puissance de la tendresse éducative. Voilà ce qu’il nous faut.

 


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