Quand Les Jeunes Femmes Réinventent Le Désir Et Refusent Les Rôles Imposés
Et si je n’étais pas hétéro… par défaut ? La question a surgi un matin, presque banal, au détour d’un échange entre amies. Pas un coming out spectaculaire, juste un glissement subtil dans nos récits. De plus en plus souvent, je l’entends : « Je ne suis pas sûre d’être hétéro ». Non pas parce qu’un nouvel amour serait apparu, mais parce que l’ancien modèle ne suffit plus. Ce questionnement n’est pas qu’intime, il est politique. Il traverse une génération – surtout des femmes – en quête d’un amour plus égalitaire, d’un désir moins codifié, d’un espace relationnel où l’on cesse de se plier à une norme héritée.
La Norme Hétérosexuelle : Un Héritage Imposé
On nous a appris, très tôt, que les filles aiment les garçons. C’est à peine formulé, comme une évidence coulée dans les contes, les dessins animés, les conversations d’adultes, les petits gestes du quotidien. L’hétérosexualité s’est incrustée dans notre imaginaire avant même que le désir ne s’éveille. On ne nous a pas demandé qui on aimait : on a supposé pour nous.
Et pour les filles, cette norme est souvent asymétrique. Le regard posé sur nous est d’emblée genré. On devient « désirable » avant de se penser « désirante ». Les rôles sont écrits d’avance : séduire, plaire, attendre d’être choisie. C’est dans cette asymétrie que se loge le malaise, cette intuition sourde que quelque chose cloche, que le désir mérite mieux que cette mise en scène.
Un Ras-Le-Bol Genré : La Parole Des Femmes
Il faut écouter ce qui remonte. La lassitude. La colère aussi. Dans les récits de nombreuses femmes autour de moi, et dans les enquêtes (comme celle de la sociologue Janice Irvine), une trame revient : les relations hétérosexuelles, telles qu’elles sont souvent vécues, pèsent. Elles épuisent. La charge émotionnelle, le travail invisible de soutien, la sexualité vécue comme performance ou concession.([Source])
Le mouvement #MeToo a fissuré le vernis romantique qui recouvrait bien des violences ordinaires. Ce n’est pas juste une dénonciation, c’est une remise à plat. Il m’est arrivé, moi aussi, de me sentir prise dans ce décalage : un désir qui ne m’appartenait plus, des gestes mécaniques, des attentes qu’on ne questionne même pas. Ce n’est pas que les hommes sont « le problème », c’est que la manière dont on a appris à aimer, à désirer, est profondément marquée par des rapports de pouvoir.
Quand Les Identités Se Redessinent
Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que de plus en plus de femmes se tournent vers d’autres possibles : bisexualité, pansexualité, queer… Ces mots ouvrent des brèches. Parfois, ils nomment une attirance réelle pour d’autres genres. D’autres fois, ils servent à dire un refus : celui de se plier à une catégorie trop étroite, d’enfiler une identité qui ne raconte pas tout.
Ce que je ressens, c’est une envie de respirer. Ne plus me dire : « Je suis hétéro, donc je dois… » mais plutôt : « Qu’est-ce que j’attends d’une relation ? Qui me fait vibrer ? Qui me respecte, me stimule, m’écoute ? » Cette liberté, même si elle ne change pas radicalement mon orientation, change profondément ma façon de vivre mes liens.
Un Choix Ou Une Fuite ?
On entend parfois, de manière moqueuse : « Elles fuient les hommes ». Comme si c’était lâche. Comme si le fait de chercher autre chose trahissait une blessure mal soignée. Et alors ? Même si c’était le cas, fuir ce qui fait mal pour aller vers ce qui fait du bien, n’est-ce pas déjà un acte de survie, d’affirmation ?
Pour ma part, je ne rejette pas les hommes. Mais je rejette les modèles de relation où l’un prend plus que l’autre, où le désir de l’une est accessoire. Je veux des relations où chacun·e est sujet, pas objet. Où la tendresse ne se mesure pas à la virilité supposée. Où l’on peut être vulnérable sans être dominé·e. Ce n’est pas une fuite, c’est un appel d’air.
Ce Que Cette Révolution Intime Dit De Notre Société
Ce mouvement n’est pas marginal. Il dit quelque chose de plus vaste sur notre société. Sur la manière dont l’éducation sexuelle devrait inclure la diversité des vécus. Sur l’urgence de repenser les normes relationnelles. Sur la nécessité de politiques qui protègent les minorités sexuelles, mais aussi qui questionnent les schémas dominants.
Ce n’est pas juste l’affaire des jeunes ou des femmes queer. C’est une question qui nous concerne toutes et tous : comment mieux aimer ? Comment désirer autrement ? Comment créer des liens sans reproduire les vieux rapports de force ? Ce chantier est collectif.
Une Question Ouverte, Une Liberté À Réinventer
Je n’ai pas de réponse définitive. Seulement des questions, des intuitions, des mots qui s’ajustent au fil du temps. Mais je sens que quelque chose s’éveille, en moi et autour de moi. Un besoin de douceur. De justesse. De vérité.
Il est temps d’écouter ces voix qui explorent, qui doutent, qui ouvrent des chemins plus libres et plus tendres.
Sources : Orientation sexuelle, identité de genre et intersexuation






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