Les petits billets de Letizia

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Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

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Écriture Inclusive : De La Résistance Au Choix Conscient

 Un Chemin Personnel Entre Questionnements Linguistiques, Engagement Éthique Et Liberté Stylistique

J’ai longtemps rejeté l’écriture inclusive. Ce refus n’était ni réfléchi ni argumenté, mais instinctif, presque viscéral. Elle me paraissait inutilement compliquée, voire grotesque. Une surcharge graphique, une entrave à la lisibilité, une atteinte à l’élégance du français. Ce rejet, je le sais aujourd’hui, n’était pas isolé. Il est partagé, même parmi celles et ceux qui se revendiquent féministes ou progressistes. Pourquoi une telle crispation face à quelques points médians ou accords alternatifs ? Qu’est-ce que cela dit de notre rapport au langage, à la norme, au genre ?

Je propose ici un témoignage réflexif et nuancé, ancré dans mon parcours d’autrice et de citoyenne. Une traversée, d’un refus spontané à une appropriation choisie de l’écriture inclusive.

1. Le Rejet Initial : Entre Inconfort Et Résistances

Lorsque j’ai entendu parler pour la première fois d’écriture inclusive, ma réaction a été immédiate : soupir, haussement d’épaules, rejet. Je ne voyais pas l’intérêt d’ajouter de la complexité à une langue déjà réputée pour ses exceptions et ses subtilités. Pourquoi alourdir mes phrases ? Pourquoi déconstruire une grammaire que j’avais appris à maîtriser avec soin ?

Je trouvais les formulations étranges, parfois absurdes. Le fameux « les étudiant·e·s » me semblait illisible. Et puis, surtout, je ne m’y reconnaissais pas. Ce n’était pas mon combat, pensais-je. J’écrivais pour toutes et tous, sans faire de distinction, convaincue que mes intentions suffisaient. Je m’accrochais à une idée de la langue « pure », harmonieuse, presque sacrée. Comme si toucher à sa structure revenait à trahir une part de moi.

2. Comprendre Les Enjeux : Une Prise De Conscience Progressive

Le tournant ne s’est pas fait en un jour. Il a fallu du temps, des lectures, des discussions, des remises en question. J’ai commencé à comprendre que ce que je prenais pour une neutralité du langage était en réalité un masque. Comme le rappelle la linguiste Éliane Viennot, « le masculin ne l’a jamais emporté pour des raisons grammaticales, mais pour des raisons politiques » (Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin !, 2014).

Des chercheur·es comme Pascal Gygax, spécialiste de psycholinguistique, ont démontré que le langage prétendument neutre invisibilise les femmes et les minorités de genre. Cette invisibilisation n’est pas anodine : elle conditionne notre perception du monde, nos attentes, nos rôles.

Peu à peu, j’ai saisi que l’écriture inclusive n’était pas un caprice militant, mais un outil de visibilité. Elle permet de nommer celles et ceux qui ont été exclu·e·s du discours. Elle interroge les hiérarchies, les omissions, les évidences. Elle fait du langage un espace politique.

3. Pratiquer : Tâtonnements Et Réappropriation

La prise de conscience ne suffit pas. Il faut ensuite se confronter à la pratique. Mes premiers essais furent hésitants. J’avais peur d’en faire trop ou pas assez, de forcer le trait ou de trahir mes intentions. Je testais des formes : le point médian, la double flexion, les formulations épicènes. Je réécrivais mes phrases, parfois plusieurs fois, pour trouver la bonne tournure.

J’ai découvert que l’écriture inclusive n’est pas une recette unique. Elle se module, se pense en contexte. On peut choisir de dire « les apprenant·e·s », ou bien « les personnes en formation ». L’accord de proximité peut cohabiter avec d’autres formes. Ce n’est pas une grammaire figée, mais une grammaire vivante, en évolution constante.

Petit à petit, j’ai compris que je n’avais pas besoin d’être parfaite, seulement cohérente avec mes valeurs. Et que cette cohérence pouvait s’incarner dans mes mots.

4. Une Écriture En Mouvement : Choisir, Affiner, Incarner

Au fil du temps, mon écriture a changé. Non pas pour cocher une case, mais parce qu’elle devait suivre mes prises de conscience. J’ai appris à faire des choix selon ce que j’écris et pour qui : parfois le point médian, parfois une tournure plus neutre, parfois une phrase retravaillée. J’ai compris que l’écriture inclusive n’était pas un carcan, mais une invitation à penser autrement. Elle m’a rendue plus attentive à mes mots, plus consciente de leur portée. Aujourd’hui, elle est devenue une manière d’écrire qui me ressemble, parce qu’elle reflète les valeurs que je défends : attention, ouverture, souci de l’autre.

5. Penser La Nuance : Refus Des Injonctions, Éloge De La Complexité

Je me méfie des dogmes, des injonctions. Il ne s’agit pas de faire de l’écriture inclusive une nouvelle norme autoritaire, mais d’en faire un espace de liberté. Je n’ai aucun intérêt à corriger celles et ceux qui ne l’emploient pas. Mon engagement ne passe pas par la rigidité.

Je reconnais aussi les limites : certaines formes peuvent alourdir un texte ou rebuter certain·e·s lecteurs et lectrices. Il faut parfois adapter, simplifier, réinventer. Je choisis, je module, je nuance. Et je revendique cette complexité comme une richesse. L’écriture inclusive, pour moi, n’est pas une vérité absolue. C’est un terrain d’expérimentation, un outil de réflexion, une éthique en acte.

Conclusion : Une Écriture Qui Cherche, Qui Écoute, Qui Évolue

Il n’y a pas eu de rupture soudaine, seulement un lent glissement, une série de prises de conscience. Je n’ai pas « adopté » l’écriture inclusive, je l’ai intégrée à mon cheminement.

Elle ne se réduit pas à des signes typographiques : elle incarne une attention, une manière d’être au monde. Elle me pousse à écouter, à remettre en question, à affiner. Elle ne m’empêche pas d’écrire avec style – au contraire, elle me force à chercher, à creuser, à créer.

Écrire inclusif, en fin de compte, c’est écrire avec conscience. Et c’est cela que je choisis, chaque jour, mot après mot.

 

PS : Pour avoir un clavier français élargi avec point médian

 


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