Les petits billets de Letizia

Un blog pour donner à réfléchir, pas pour influencer… #SalesConnes #NousToutes


Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

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Réconcilier La Corse Avec Elle-Même

Quand Le Dialogue Et L’Éducation Deviennent Des Actes De Résistance

C’était un matin comme tant d’autres, dans un café de village où les discussions allaient bon train. Autour d’un espresso, un homme lâche, le regard sombre : « On ne peut plus parler sans se fâcher ». Cette phrase, anodine en apparence, m’a frappée. Elle résume le malaise que je ressens depuis quelque temps : une tension sourde, un climat pesant qui s’installe insidieusement dans notre quotidien insulaire.

Les récents événements ne font que confirmer cette impression. L’altercation à Ghisunaccia entre un agriculteur et le président de l’Exécutif, suivie de l’incendie du hangar de l’agriculteur, les arrestations de militants nationalistes, les rumeurs qui enflent… Tout cela contribue à un climat délétère et anxiogène, comme l’a souligné l’Assemblée de Corse dans une condamnation unanime ([Source]). Cette unanimité, bien que rassurante, met en lumière la gravité de la situation.

Mais au-delà des faits récents, je sens qu’il nous faut aussi avoir le courage de nommer ce qui, parfois, reste enfoui. Il existe en Corse une forme de violence plus subtile, presque invisible, tissée dans certains héritages culturels. Je parle ici de cette violence systémique, de cette tension sous-jacente qui se manifeste par le silence, les regards, l’évitement, la méfiance. Un mode de rapport au monde marqué par la peur de trahir ou d’être trahi·e, par le poids de l’honneur et de la réputation, autant de ressorts qui s’ancrent dans une mémoire collective encore traversée par la logique de la vendetta.

Cette vendetta, bien qu’ancienne, continue d’habiter certains récits familiaux ou villageois, presque comme un mythe identitaire. Elle fascine autant qu’elle enferme. Et si elle n’est plus pratiquée dans sa forme ancienne, elle laisse parfois une empreinte dans nos façons d’être en désaccord, de régler les conflits, d’accumuler les rancœurs. La défiance envers les institutions, la peur de la parole publique, l’importance accordée à la loyauté clanique sont autant de symptômes, à mon sens, de cette culture du non-dit conflictuel.

Je ne jette la pierre à personne. J’ai grandi dans ces silences, dans ces gestes qui disent plus que les mots. Mais je crois qu’aujourd’hui, nous devons oser une autre voie. Celle qui consiste à transformer cette histoire en une force de compréhension et non plus en un fardeau de méfiance. En parlant, en écoutant, en transmettant autrement. Peut-être est-ce là la vraie rupture : refuser l’héritage des violences muettes pour lui préférer celui du dialogue courageux.

Face à ces tensions, je ressens le besoin de revenir à l’essentiel : le dialogue. Pas celui des grandes déclarations politiques, mais celui du quotidien, de la vie en commun. Je crois profondément que l’éducation à la citoyenneté et à la non-violence est la clé pour reconstruire notre tissu social. C’est en apprenant à écouter, à comprendre, à respecter l’autre que nous pourrons sortir de cette spirale de méfiance et de division.

Un ami enseignant m’a fait part d’un atelier organisé dans une école de son village, où des enfants ont échangé sur ce que signifie « être citoyen ». Leurs réponses, pleines de bon sens et de sincérité, l’ont ému. Elles lui ont rappelé que l’espoir réside dans la transmission de valeurs de respect et de solidarité.

Bien sûr, cette démarche nécessite du temps, de l’engagement, de la persévérance. Mais elle est essentielle. Des initiatives comme des ateliers de sensibilisation à la démocratie participative, des rencontres intergénérationnelles, des projets collaboratifs entre élu·e·s et citoyen·ne·s peuvent contribuer à restaurer la confiance et à prévenir les tensions.

En tant que femme attachée à mon île, je ressens une responsabilité particulière. Je veux croire en une Corse où la fierté culturelle rime avec ouverture, où les différences sont une richesse, non une menace. Je m’efforce, à mon échelle, de cultiver cette vision, en partageant, en écoutant, en dialoguant.

Nous avons tous un rôle à jouer. Chacun·e, là où il·elle se trouve, peut contribuer à l’apaisement. En s’engageant localement, en écoutant activement, en créant du lien. C’est ensemble que nous pourrons réconcilier la Corse avec elle-même.

Ce sujet me touche profondément, car il concerne notre avenir commun. Je suis convaincue que la force tranquille du dialogue et de la transmission peut nous guider vers un horizon plus serein. Je vous invite à partager vos expériences, vos réflexions, vos idées. Ensemble, construisons une Corse apaisée et solidaire.

 


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