Les petits billets de Letizia

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Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

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Pourquoi Je N’ai Plus Peur De Dire Que Je Suis Féministe

 Comprendre L’histoire Du Mot Pour Mieux Le Revendiquer, Transmettre Ses Valeurs Et Libérer Les Conversations

Dire « je suis féministe » reste aujourd’hui un acte chargé de malentendus. Ce mot, pourtant porteur d’un combat pour l’égalité, déclenche encore des crispations, des regards sceptiques, parfois même des accusations infondées. Très souvent, quand je dis être féministe, on me reproche d’être contre les hommes. Ce raccourci me peine, mais ne me surprend plus. Le terme féministe, apparu il y a plus de 150 ans, reste, aujourd’hui encore, un mot qui dérange. C’est en remontant son histoire et en misant sur l’éducation, que j’ai trouvé une façon apaisée, mais ferme, de le revendiquer.

Le mot féministe n’est pas neutre. Il est parfois reçu avec méfiance, voire hostilité, même chez celles et ceux qui défendent pourtant l’égalité entre les genres. Cette réaction ambivalente est révélatrice d’une dissonance : on approuve les principes, mais on hésite à s’identifier à leur nom.

Un article vidéo récent souligne ce paradoxe : de nombreuses personnes, en particulier des femmes, n’osent pas dire qu’elles sont féministes, par crainte d’être perçues comme radicales, excessives ou même anti-hommes. Cette perception réductrice invisibilise la richesse et la diversité du féminisme contemporain.

Je me souviens encore de la première fois où j’ai dit, sans détour, que j’étais féministe. Il y a eu un silence. Puis une plaisanterie. Puis cette phrase, que je n’oublierai jamais : « Ah, donc t’aimes pas les mecs ». C’est à ce moment-là que j’ai compris que le mot posait problème, bien plus que l’idée qu’il véhicule.

Le terme « féministe » a vu le jour dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Alexandre Dumas fils l’utilise en 1872 de manière moqueuse pour désigner des hommes jugés trop efféminés, opposés au modèle patriarcal dominant. Le mot est ensuite réapproprié par Hubertine Auclert, qui l’emploie fièrement pour désigner la lutte pour les droits civiques des femmes.

Ce glissement sémantique est significatif : d’une insulte à une revendication, le mot porte encore en lui les stigmates de son origine méprisante. Comme l’explique l’historienne Florence Rochefort dans Sciences Humaines, « la résistance au féminisme tient en partie à cette construction historique qui l’associe au désordre social, voire à une forme de haine ».

Découvrir cela m’a bouleversée. Comprendre que ce rejet n’est pas personnel, mais hérité, m’a aidée à prendre du recul. Il ne s’agit pas d’un rejet de mes convictions, mais d’un mot que l’histoire a chargé de peurs et de projections.

Ce constat m’a convaincue d’une chose : pour faire évoluer les mentalités, il faut éduquer, transmettre, expliquer. J’aurais aimé, adolescente, qu’on me parle du féminisme autrement que comme d’un sujet polémique. Qu’on m’explique son histoire, ses nuances, ses combats. Aujourd’hui, je ressens la responsabilité de faire ce travail, à mon échelle.

Je pense à cette discussion avec le fils d’une de mes amies de quinze ans. Il m’a demandé si être féministe, c’était être « contre les garçons ». Nous avons parlé, longtemps. Je lui ai expliqué que c’était défendre les droits de toutes et tous, et que l’égalité ne signifie pas l’exclusion. Le mot l’a surpris, mais pas l’idée. C’est là que j’ai vu à quel point les mots ont besoin d’être expliqués, replacés, racontés.

Quand je dis aujourd’hui « je suis féministe », je ne fais pas une déclaration contre qui que ce soit. Je dis simplement que je crois à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Je dis que je refuse les violences sexistes, les discriminations systémiques, les inégalités de carrière ou de représentation.

Mais je dis aussi que je refuse de me laisser enfermer dans une image déformée du féminisme. Ce mot n’est pas une arme, c’est un levier. Il est imparfait, certes, mais il est nécessaire.

Déconstruire les amalgames, c’est reconnaître que les mots sont vivants. Et que l’on peut, ensemble, les remettre à l’endroit.

Le rejet du mot féministe est souvent moins une opposition de fond qu’une crainte des représentations associées. Mais ces représentations peuvent évoluer. À condition de ne pas les laisser figées.

L’éducation, la discussion, la bienveillance, sont des outils puissants pour y parvenir. À travers la famille, l’école, les médias, les cercles d’amitié, chacun·e peut contribuer à libérer la parole. À transmettre un féminisme ouvert, accessible, ancré dans le réel.

Reprendre les mots, c’est aussi refuser de les laisser à celles et ceux qui les détournent ou les instrumentalisent.

Aujourd’hui, je dis « je suis féministe » avec confiance. J’ai mis du temps à le dire sans hésiter, sans baisser la voix, sans m’excuser. Ce mot est devenu pour moi un repère, une boussole, un engagement.

Et vous, qu’est-ce que ce mot évoque pour vous ? Qu’est-ce qui vous freine ou vous inspire à l’utiliser ? Parlons-en.

 


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