« Something Beautiful » De Miley Cyrus, Ou L’Art Comme Mise À Nu TotaleJ’ai grandi avec Hannah Montana comme on respire un rêve éveillé. Adolescente, j’y voyais l’écho d’une jeunesse malléable, en quête d’équilibre entre image publique et identité intérieure. Plus tard, l’artiste Miley Cyrus m’a suivie dans mes propres métamorphoses. Alors, quand Something Beautiful a été annoncé, j’ai ressenti autre chose qu’un simple frisson de fan. J’y ai perçu la promesse d’un projet qui dépasse la musique, un geste artistique à vif, où la réinvention ne serait pas un masque, mais une révélation. Ce n’est pas juste un album : c’est un manifeste intime, une œuvre totale au service d’une vérité sans fard.
Something Beautiful ne se contente pas de chanter. Il montre, il habille, il incarne. Chaque piste est accompagnée d’un visuel pensé, chorégraphié, stylisé – et pourtant, rien n’y paraît figé. Miley s’y livre en plusieurs dimensions : voix, corps, regard. La première projection au Tribeca Festival a marqué un tournant, comme si le cinéma offrait à la musique un supplément d’âme. Inspirée par l’univers radical de Thierry Mugler, l’esthétique de l’ensemble trouble volontairement la frontière entre l’humain et le spectacle. Ce n’est plus seulement une écoute, c’est une immersion. Une mise en scène du sensible qui convoque à la fois la haute couture, le théâtre intime et le cri du cœur.
Ce qui m’a le plus touchée, c’est la cohérence de ce chaos apparent. Derrière l’abondance de codes visuels, derrière la sophistication des clips, se cache une quête très simple : celle de se dire autrement. Miley ne triche pas. Elle propose un langage hybride, parce que la langue de la confession ne suffit plus. Cette volonté de rupture avec le format classique n’est pas sans rappeler Miley Cyrus & Her Dead Petz, ce disque sous-estimé de 2015, où l’expérimentation servait déjà la vulnérabilité. Il y a ici une continuité, un fil fragile mais résistant : celui d’une femme qui refuse de dissocier la forme du fond, qui fait de son art une traduction fidèle de son intériorité mouvante.
Ce paradoxe – de la sophistication au service de la sincérité – me fascine. Car il serait facile de croire que l’excès masque, qu’une esthétique si travaillée relève du calcul. Pourtant, il se passe ici l’inverse. C’est dans l’orchestration que surgit l’authentique. L’émotion ne se noie pas sous les couches : elle s’en nourrit. Le corps filmé, le regard caméra, les tissus, les couleurs – tout devient moyen d’expression. Ce n’est pas une mise en scène pour séduire, c’est un miroir tendu vers nous. Un miroir souvent flou, parfois brisé, mais dont chaque éclat reflète quelque chose de profondément humain.
Quand j’ai regardé Something Beautiful pour la première fois, je me suis tue. Un silence qui n’était pas vide, mais plein. Plein de résonances, d’identifications, de douleurs anciennes qui remontaient. Je n’étais plus une spectatrice. J’étais convoquée. Ce projet m’a obligée à écouter autrement, à regarder autrement, à ressentir autrement. J’y ai reconnu des sensations enfouies : la peur d’être trop, la joie d’être enfin soi, même dans l’excès. En cela, Miley ne nous propose pas un produit, elle nous invite à une expérience. Et cette expérience, profondément artistique, vient bousculer notre manière de « consommer » la musique. Elle appelle une autre temporalité, une autre attention, presque une disponibilité affective.
Something Beautiful incarne pour moi un acte de guérison. Ce n’est pas un album qu’on écoute à la volée, mais un geste qu’on accueille, à la fois fragile et puissant. Il me rappelle que l’art, quand il est habité, peut créer des ponts entre les mondes. Entre l’artiste et le public. Entre le soi d’hier et celui d’aujourd’hui. Miley ne triche pas parce qu’elle ose la superposition : des langages, des esthétiques, des émotions. C’est dans cette complexité qu’elle trouve une forme de vérité nue, paradoxalement révélée par le masque artistique. Et je lui suis reconnaissante d’avoir offert cela, non comme une réponse, mais comme une question ouverte. Qu’est-ce qui reste de nous quand on ose tout montrer ?






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