Réconcilier éthique, programme et participation dans un moment politique décisif
Je vis avec la Corse une histoire intime, tissée de silences et d’élans, de fidélité et de doutes. Chaque article, chaque débat politique m’interpelle au-delà des lignes. Récemment, en lisant un texte portant sur la relance d’un projet nationaliste, je me suis sentie à la fois curieuse et inquiète. Curieuse de voir se dessiner une volonté nouvelle, inquiète à l’idée qu’elle ne soit qu’un souffle passager. « Peut-on vraiment réconcilier engagement nationaliste et ouverture démocratique ? » Cette question, je me la pose avec sincérité.
Ce qui a retenu mon attention dans cette proposition, c’est une approche que je juge à la fois exigeante et nécessaire : « éthique, programmatique et participative ». Dans un contexte où le terme même de « nationalisme » est souvent galvaudé, capté par des extrêmes ou des automatismes idéologiques, il est urgent de proposer autre chose, d’articuler des principes clairs, un programme cohérent et une vraie volonté d’impliquer les gens. Rien de moins ne suffira à recréer un élan partagé.
L’article que j’ai lu présentait une volonté forte de « remise à jour du logiciel nationaliste » corse, après une décennie de responsabilités politiques jugée insuffisamment transformatrice. Le projet esquissé y dénonçait la centralisation excessive du pouvoir, appelait à une ouverture intergénérationnelle, et évoquait l’urgence de redonner du souffle à une dynamique collective. Le ton y était à la fois critique et constructif, avec une reconnaissance assumée des échecs « partiels ». Cette lucidité m’a touchée, car elle rompt avec la langue de bois trop fréquente dans les prises de parole militantes.
Ce qui m’a interpellée surtout, c’est cette volonté de dépasser les clivages traditionnels en misant sur la jeunesse, la diversité des engagements, et le partage de valeurs communes. Pourtant, il m’a manqué quelque chose : des exemples, des preuves d’ancrage dans le réel. Car « dire » ne suffit plus. Je reste méfiante face à l’absence de propositions concrètes, chiffrées, détaillées. L’époque impose la rigueur, et les Corses, aujourd’hui, attendent des actes.
Prenons cette idée de « projet populaire ». Elle me séduit, car j’en devine les intentions : inclure, faire émerger une parole partagée. Mais comment éviter qu’elle ne devienne un slogan ? La participation ne peut pas être un simple habillage démocratique. Pour qu’elle soit crédible, elle doit s’appuyer sur des méthodes claires, sur une reconnaissance des déséquilibres d’accès à la parole et au pouvoir. Cela suppose de former les jeunes, de consulter réellement les habitant·e·s, et de respecter la pluralité des vécus.
Je me souviens d’un moment fort : une réunion de quartier à Bonifacio où des adolescents parlaient de leur vision de l’avenir en corse et en français, avec autant de colère que d’espoir. C’était brut, imparfait, mais incroyablement vivant. Ce jour-là, j’ai compris que le lien entre appartenance et avenir se tisse dans des lieux concrets, dans l’écoute mutuelle, pas dans les grandes déclarations.
L’approche qui me semble la plus juste aujourd’hui – un nationalisme éthique, programmatique et participatif – me paraît capable de réconcilier exigence morale et ancrage dans le quotidien. Une charte de valeurs claires (contre toutes les formes d’exclusion, pour la solidarité et l’autonomie) serait un socle nécessaire. À cela devrait s’ajouter un programme chiffré et transparent, dans des domaines essentiels : emploi local, logement abordable, éducation ancrée, environnement. Enfin, il faudrait créer des espaces où les citoyen·ne·s – pas seulement les militant·e·s – puissent vraiment s’exprimer et être entendu·e·s.
Je suis consciente des risques. Les discours de rejet, trop faciles, gagnent du terrain. Il suffit d’écouter certaines conversations pour sentir le basculement. Je crains profondément la montée d’un nationalisme d’extrême droite, qui instrumentalise les colères légitimes pour justifier l’exclusion. C’est aussi un nationalisme, oui, mais un nationalisme de fermeture, de peur, de violence sourde. Il nous faut donc proposer une alternative puissante, sincère, incarnée.
Je n’attends pas de miracle d’un parti ou d’un programme. Mais je crois que nous avons besoin d’un espace politique où les voix féminines, les récits intimes, les engagements discrets trouvent leur place. Mon parcours de blogueuse, engagée dans des dynamiques associatives locales, m’a appris que rien ne remplace la force des expériences vécues. Que le politique commence dans l’écoute et la reconnaissance mutuelle.
Ce que j’attends, c’est un projet qui sache conjuguer justice sociale, fidélité aux racines culturelles, et ouverture aux enjeux de notre temps. Un projet qui ait le courage de se fixer des règles éthiques claires, de chiffrer ses ambitions, et d’impliquer toutes les générations. Un projet qui donne enfin à la Corse les moyens d’écrire une histoire commune sans renier personne.
Je veux croire que c’est possible. Mais ce ne sera pas facile. Il faudra affronter les contradictions, les résistances, les impatiences. Il faudra poser des mots justes là où dominent encore les silences. Il faudra, surtout, oser parler d’avenir sans se retrancher dans le passé.
Je laisse cette réflexion ouverte. Et je vous invite, vous qui me lisez, à vous demander ce que serait pour vous un vrai projet politique commun. Quels mots, quels gestes, quelles alliances faudrait-il nouer pour bâtir ensemble une Corse à la fois fière, juste et solidaire ? Parlons-en. Dans nos villages, nos quartiers, nos écoles. Ne laissons pas d’autres dessiner seuls notre horizon.
Une démarche politique ambitieuse ne peut se construire que sur des bases saines et partagées. C’est dans la cohérence entre les valeurs, les actes et l’ouverture que réside notre plus grande chance de rassemblement. Et c’est là, je crois, que commence l’espérance.
Je ressens une forme d’urgence, à la fois personnelle et collective. En tant que femme, citoyenne, blogueuse, je refuse de laisser l’extrême droite s’emparer du récit de l’identité corse. J’ai envie d’un projet qui respire, qui rassemble, qui écoute. D’un souffle à reconstruire, ensemble.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Vos récits, vos espoirs, vos colères sont les bienvenus ici. Partageons-les. Écrivons, ensemble, une page nouvelle.







Laisser un commentaire