Entre Exigences Financières, Respect Environnemental Et Participation Citoyenne
Je ne vis plus en Corse, mais depuis toujours, j’observe, avec sensibilité et engagement, les transformations qui touchent nos territoires. Le projet d’extension du port de Porto-Vecchio me parle profondément, non seulement parce qu’il touche une commune emblématique du sud de l’île, mais surtout parce qu’il incarne une série de questions fondamentales sur notre rapport à la croissance, à l’environnement et à la démocratie locale.
C’est dans cette perspective que je souhaite partager une réflexion guidée par une approche que je qualifierais de « responsabilité publique et territoriale ». Elle m’apparaît comme la plus juste pour interroger l’avenir de ce chantier ambitieux. Le port, prévu pour être achevé entre 2027 et 2028, se présente comme un levier économique prometteur, mais il fait face à plusieurs obstacles de taille. Le financement n’est assuré qu’à hauteur de 70 %, selon les chiffres diffusés dans la presse, soit environ 90 millions d’euros sur les 145 nécessaires. Cette situation fragilise non seulement la réalisation du projet, mais aussi sa légitimité politique.
Je m’interroge sincèrement sur la part de financement reposant sur la commercialisation de « garanties d’usage » – un système permettant à des plaisancier·e·s d’acquérir un anneau pour une durée de vingt ans. Moins de la moitié de ces garanties ont trouvé preneurs et preneuses. Cela reflète, selon moi, une stratégie risquée, car elle dépend trop du comportement d’un public particulier, lui-même exposé aux aléas économiques. Dans un climat d’inflation et d’instabilité budgétaire pour beaucoup de foyers, peut-on vraiment fonder une partie substantielle d’un chantier structurant sur ce type de mécanisme ?
Au-delà des questions économiques, je suis frappée par l’absence quasi totale de communication publique sur l’impact environnemental du projet. Aucune donnée claire ne semble disponible concernant les effets potentiels sur les écosystèmes marins, sur la qualité des eaux ou sur les flux naturels dans la baie. Dans une région où la mer est un patrimoine aussi vital que culturel, ce silence est préoccupant. Il me paraît essentiel que toute extension de cette ampleur soit précédée d’une étude d’impact indépendante, transparente, et suivie d’un plan rigoureux de surveillance environnementale.
Un autre point essentiel, souvent négligé, est la place réelle des citoyen·ne·s dans le suivi et l’orientation de ce projet. Trop souvent, les chantiers de cette nature sont portés par des instances politiques et techniques sans dialogue réel avec la population. J’aimerais que nous puissions envisager une gouvernance ouverte, avec des temps de concertation réguliers, des visites de chantier, des comités mixtes rassemblant des habitant·e·s, des pêcheurs et pêcheuses, des commerçant·e·s, des technicien·ne·s. Un projet de cette envergure doit vivre dans le territoire, pas seulement y être implanté.
Je me souviens d’un été passé à Porto-Vecchio, il y a quelques années. Je longeais les quais au lever du jour, observant les petits bateaux revenir de la pêche et les plaisancier·e·s préparer leur départ. Cette cohabitation naturelle entre économie locale et tourisme mesuré m’avait frappée. C’est cette image que j’ai en tête quand je pense à l’avenir du port : une infrastructure au service d’un équilibre, pas d’une fuite en avant.
Il est tout à fait légitime d’avoir de l’ambition pour Porto-Vecchio. Mais cette ambition ne peut s’exprimer sans prudence budgétaire, sans exigence environnementale, sans intelligence collective. La rigueur des finances publiques n’est pas une barrière à l’action, elle en est la condition. L’attention à l’environnement n’est pas un luxe, c’est une responsabilité. Et l’inclusion des citoyen·ne·s n’est pas un geste symbolique, c’est une exigence démocratique.
Ce projet, tel qu’il se dessine aujourd’hui, résume les tensions qui traversent notre temps : comment construire sans abîmer, comment grandir sans s’endetter, comment décider sans exclure. Il mérite mieux qu’une lecture purement technique. Il nous appelle à repenser la façon dont nous façonnons ensemble nos territoires insulaires.
J’espère que cette réflexion pourra résonner auprès de celles et ceux qui, comme moi, aspirent à une Corse fière de ses racines, exigeante dans ses choix, et ouverte à un avenir commun pensé avec lucidité. J’invite chacun·e à partager son ressenti, son vécu, son analyse sur ce sujet ou sur d’autres chantiers qui, demain, redessineront notre île.






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