Réparer Ce Qui Nous Divise
Il devient urgent d’ouvrir un espace où les identités non mono sexuelles puissent se dire sans craindre d’être réduites, ni niées. Trop souvent, les personnes bisexuelles et pansexuelles ne se sentent légitimes nulle part, coincées entre l’hétéronormativité ambiante et une communauté LGBT+ parfois excluante. Ce constat n’est pas nouveau, mais il appelle aujourd’hui à une réponse construite, collective, et ancrée dans les réalités concrètes. Loin d’un simple commentaire, cette réflexion propose une approche articulant éducation inclusive et solidarité communautaire, dans une perspective humaniste fondée sur des valeurs d’égalité, de respect et de transformation sociale.
En posant un regard critique sur les discriminations systémiques, il apparaît que la biphobie et la panphobie s’expriment à la fois de manière visible dans la société et de manière plus insidieuse au sein même des luttes LGBT+. Ce double rejet produit des effets délétères sur la santé mentale, la confiance en soi, l’insertion sociale et affective des personnes concernées. L’article récemment publié sur ce sujet met en lumière cette réalité complexe, trop souvent passée sous silence. Il souligne avec justesse que l’invisibilisation des personnes bi/pan est alimentée par des stéréotypes persistants, comme celui d’une orientation « temporaire », ou d’une supposée inconstance affective.
Cependant, il est frappant de constater l’absence, dans cette analyse, de pistes concrètes pour remédier à ces injustices. Si le diagnostic est clair, la réponse semble inachevée. Or, refuser l’effacement implique de proposer des alternatives solides. C’est à ce croisement que l’approche éducative et communautaire prend tout son sens. Elle permet d’agir sur deux plans simultanément : celui des structures sociales (écoles, médias, institutions) et celui des relations internes aux espaces militants.
L’éducation, lorsqu’elle est inclusive, ouvre des chemins de compréhension qui dépassent la simple tolérance. Elle interroge les normes, déconstruit les idées reçues, et valorise la pluralité des parcours. Inscrire dans les programmes scolaires des contenus sur les orientations bi/pan, former les enseignant·e·s à ces questions, et intégrer des témoignages authentiques sont autant d’actions possibles. Cette pédagogie du réel n’est pas théorique : elle est soutenue par de nombreuses recherches. Une étude de GLSEN ([Source]) montre par exemple que les élèves exposé·e·s à une éducation LGBT+ inclusive se sentent davantage en sécurité à l’école et sont moins susceptibles d’abandonner leurs études.
Mais l’école ne peut pas tout. C’est aussi au sein des communautés LGBT+ que des changements profonds doivent avoir lieu. Les remarques du type : « fais un choix », adressées aux personnes bisexuelles, sont encore trop fréquentes. Ces violences ordinaires fragilisent les solidarités internes et alimentent des exclusions symboliques. Organiser des ateliers de parole, proposer des espaces de formation croisée, inviter à l’auto-éducation collective sont des leviers puissants pour faire évoluer les mentalités. La BECAUSE Conference ([Source]) constitue un exemple inspirant de ce type d’initiative.
Ce double travail – éducatif et communautaire – invite à dépasser les postures défensives. Il s’agit de construire un terrain commun où chaque expérience, chaque identité, peut s’exprimer sans être remise en cause. Cela suppose du temps, de l’écoute, et une volonté de transformation. Les valeurs de reconnaissance, d’égalité des voix, de refus des hiérarchies entre orientations, doivent guider ces démarches.
Face aux mécanismes d’effacement, ce qui fait résistance, c’est la parole partagée. L’éducation seule ne suffit pas si elle n’est pas incarnée dans les pratiques collectives. Et la solidarité ne peut se maintenir sans un socle de compréhension mutuelle. C’est pourquoi il faut lier les deux. Un parcours éducatif qui ne s’accompagne pas d’un travail sur les dynamiques internes reproduit des exclusions invisibles. Et inversement, une communauté sans outils de formation se condamne à l’entre-soi.
Visibiliser, éduquer, dialoguer. Ce triptyque pourrait résumer l’esprit de cette démarche. Il ne s’agit pas de délivrer une vérité unique, mais d’inviter à l’échange, à l’ajustement, à l’attention. Ce travail d’écoute est un acte politique, au sens le plus noble : il contribue à réparer ce qui nous divise, à réconcilier ce qui semble irréconciliable.
« Il est grand temps que les préjugés tombent de toutes parts. Ce qui divise n’est jamais plus fort que ce qui relie ». – Gisèle Halimi







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