Les petits billets de Letizia

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Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

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Les Clivages Idéologiques Entre Jeunes Femmes Et Jeunes Hommes

Les Clivages Idéologiques Entre Jeunes Femmes Et Jeunes Hommes

Construire Des Ponts Plutôt Que Des Fissures

Il m’est souvent arrivé d’écouter des conversations entre jeunes femmes et jeunes hommes qui semblaient parler de mondes parallèles. Non pas par manque d’intelligence ou d’engagement, mais parce que leurs regards sur le monde s’étaient forgés dans des réalités émotionnelles, sociales et numériques différentes. Cette distance, de plus en plus palpable, ne peut plus être ignorée. Elle dépasse les simples désaccords d’opinion et reflète des fractures profondes, alimentées par des logiques culturelles et médiatiques binaires. Ce phénomène mérite d’être exploré non pas pour condamner, mais pour comprendre, et surtout pour réparer.

Face à cette tension croissante, il devient essentiel de repenser nos façons de relier les générations et les genres. L’approche que je souhaite partager s’articule autour de la co-éducation civique et narrative. Elle repose sur une conviction simple mais exigeante : c’est en croisant les regards, les récits et les expériences, que l’on peut rétablir un dialogue social équilibré. Ce modèle conjugue quatre dynamiques complémentaires : l’échange interpersonnel, l’éducation critique, la création médiatique participative et l’observation scientifique. Loin d’être théorique, cette proposition s’ancre dans des pratiques concrètes et reproductibles.

Des analyses récentes, telles que celle publiée par le Cepremap en mars 2025, ont mis en évidence un écart croissant entre les préférences idéologiques des jeunes selon leur genre. ([Source]) Les jeunes femmes s’identifient plus nettement aux valeurs progressistes, tandis que les jeunes hommes semblent davantage attirés par des figures politiques plus conservatrices. Ce constat est soutenu par des données chiffrées, des enquêtes d’opinion (comme celles de l’Ifop ou de l’European Social Survey), mais aussi par l’observation de la radicalité croissante des discours sur les réseaux sociaux. La fracture ne se limite pas à des postures politiques : elle traduit une divergence d’expériences, de socialisations et de perceptions du monde.

Mais faut-il y voir un antagonisme irréversible ? Je ne le crois pas. Derrière ces oppositions se cachent souvent des blessures communes : peur de ne pas être entendu·e, sentiment d’injustice, besoin de reconnaissance. C’est pourquoi je considère que cette co-éducation narrative, où chacun·e serait invité·e à raconter, questionner, écouter, serait une piste fertile. Imaginez une série d’ateliers dans des lycées ou universités, où des jeunes femmes et hommes, sans hiérarchie ni confrontation, échangeraient leurs parcours. L’un·e pourrait expliquer comment un événement familial a influencé sa vision du féminisme ; un·e autre partagerait son malaise face à certaines injonctions masculines. On passerait de la suspicion au respect.

Prenons un autre exemple : dans une classe de terminale, des élèves sont invité·e·s à analyser des publicités genrées. La discussion s’anime, des clichés émergent, mais aussi des points de vue inattendus. Ce moment d’éducation critique devient un levier d’ouverture. Ce que l’école pourrait faire davantage, c’est intégrer ces modules dans une pédagogie active, en lien avec les outils numériques et les récits médiatiques que les jeunes consomment au quotidien.

Le rôle des médias n’est d’ailleurs pas neutre. De nombreuses études ont montré leur influence dans la polarisation des opinions, en particulier chez les plus jeunes. L’approche que je défends propose de ne pas subir cette influence, mais de la détourner : en créant des podcasts participatifs, des mini-documentaires ou des campagnes collaboratives, les jeunes peuvent redevenir auteurs et autrices de leur propre récit. Cela suppose bien sûr un encadrement éthique et une médiation de qualité, mais les résultats en valent l’effort.

Je repense ici à une rencontre dans un foyer de jeunes : une fille et un garçon, initialement en opposition, ont découvert qu’ils partageaient un même sentiment d’isolement social. Ce moment suspendu, où la parole prend le pas sur l’idéologie, m’a rappelé combien nos fractures sont aussi des appels à la reconnaissance. La parole partagée, l’éducation à la nuance, la capacité à écouter sans préjugé : voilà les piliers de l’approche que je souhaite promouvoir.

Pour aller plus loin, pourquoi ne pas envisager une plateforme collaborative où les jeunes pourraient déposer leurs témoignages, leurs réflexions, leurs doutes ? Un espace modéré, sécurisé, pensé non pas comme un réseau social de plus, mais comme un lieu de parole et d’écoute civique. Des partenariats locaux pourraient également permettre à ces dynamiques d’exister sur le terrain, dans des structures éducatives, culturelles ou associatives.

Ce que je retiens de ces réflexions, c’est que la fracture idéologique actuelle, bien qu’inquiétante, n’est pas une fatalité. Elle a des causes profondes : une socialisation différenciée, une médiatisation excessive des clivages, un déficit d’espaces de parole partagée. Mais elle peut être atténuée par des démarches collectives, attentives et inclusives. La co-éducation narrative n’est pas une utopie : c’est un engagement à créer des ponts là où s’installent les murs. C’est aussi une invitation à sortir du face-à-face stérile pour entrer dans un vis-à-vis fécond.

Alors, que puis-je faire, que pouvons-nous faire, même à petite échelle ? Peut-être simplement écouter, sans couper. Peut-être oser poser une question au lieu d’argumenter. Peut-être transmettre un article, un récit, une idée, non pour convaincre, mais pour semer une pensée. Comme le disait si justement Nelson Mandela : « L’éducation est l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour changer le monde ».

Ce sujet m’interpelle profondément. Et vous, avez-vous déjà observé ce genre de malentendus entre jeunes femmes et jeunes hommes ? Quels espaces favorables au dialogue souhaiteriez-vous voir se développer ?


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