Les petits billets de Letizia

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Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

Le Terrorisme Misogyne

Le Terrorisme Misogyne

Une Menace Émergente Que L’on Se Refuse Encore À Nommer

Vers une reconnaissance politique et juridique du masculinisme violent comme idéologie extrémiste

Depuis plusieurs décennies, des attaques meurtrières sont perpétrées au nom d’une haine profonde et systémique envers les femmes. Pourtant, il a fallu attendre le mois de juillet 2025, à Saint‑Étienne, pour que la justice française ouvre, pour la première fois, une procédure antiterroriste fondée uniquement sur une idéologie masculiniste. La reconnaissance reste timide, fragmentée, hésitante. Le terrorisme misogyne existe, mais on continue de le nommer à mi-voix.

Les faits s’accumulent. Le massacre de l’École polytechnique de Montréal en 1989, les meurtres d’Alek Minassian à Toronto en 2018, l’attaque de Plymouth en 2021 et désormais le projet d’attentat avorté d’un jeune incel en France cette année. Tous ces actes sont motivés par la même idéologie : celle d’une revanche fantasmée contre les femmes et d’un rejet violent de l’égalité. Les agresseurs ont en commun leur jeunesse, leur isolement et leur radicalisation numérique, souvent via des plateformes comme TikTok, Reddit ou Discord. Ils s’enfoncent dans une communauté virtuelle nommée manosphère, où la haine des femmes est normalisée, encouragée, théorisée.

Ce phénomène ne surgit pas du néant. Il est le fruit d’un backlash post‑MeToo, nourri par un ressentiment affectif, sexuel et social. Le masculinisme extrême se cristallise autour de discours antiféministes portés par des figures d’influence, flirtant avec des idéologies suprémacistes, conspirationnistes, voire néonazies. Il échappe pourtant largement aux radars des institutions, car il ne rentre pas dans les cases traditionnelles du terrorisme islamiste ou séparatiste. Faute d’intention politique explicite, la violence idéologique misogyne peine à être qualifiée comme telle.

La situation est d’autant plus préoccupante que les tendances actuelles sont inquiétantes. La banalisation des discours incels sur les réseaux sociaux est une réalité. Les algorithmes de recommandation participent à cette spirale radicale. Des signaux faibles, comme l’émergence de profils très jeunes radicalisés en quelques mois à peine, doivent nous alerter. Le point de bascule viendra probablement d’une reconnaissance légale à l’échelle européenne du masculinisme comme idéologie extrémiste. Cela provoquerait une inflexion nécessaire dans les politiques de sécurité publique.

Certain·e·s act·eur·rice·s tirent déjà la sonnette d’alarme. Les ONG féministes, comme Osez le Féminisme !, documentent minutieusement ces dérives et appellent à une régulation ferme des plateformes numériques. Les instituts de recherche stratégique, tel que l’IRSEM, proposent des pistes d’action, mais leur approche reste tardive et centrée sur les liens avec l’extrême droite. Les médias grand public, eux, relaient les faits, souvent sous l’angle sensationnaliste, sans prise de recul systémique. Quant aux pouvoirs publics, ils avancent avec prudence, redoutant sans doute les polémiques qu’un tel positionnement politique pourrait susciter.

Les risques sont clairs : des attentats isolés, imprévisibles, une porosité croissante avec d’autres radicalités, et une perte de contrôle sur les écosystèmes numériques. Mais il y a aussi des leviers : revoir la typologie du terrorisme pour y inclure les violences genrées idéologiques, développer une coordination intersectorielle solide (justice, renseignement, numérique, éducation), et lancer des campagnes de prévention ciblées pour les jeunes.

Il ne s’agit pas d’inventer une nouvelle menace : elle est déjà là. Il s’agit de la nommer pour mieux la combattre. La misogynie violente, lorsqu’elle prend une forme idéologique et planifiée, relève du terrorisme. À nous de ne pas détourner le regard, à nous de réclamer une action cohérente, déterminée, transversale. La sécurité des femmes – et au-delà, la cohésion démocratique – en dépend.


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