Une Année Pour Redéfinir Le Consentement Et La Justice
Il y a des moments où l’Histoire semble nous interpeller collectivement, non par un fracas mais par une série de voix obstinées, de vérités enfin dites, de silences brisés. L’année 2025 marque ce tournant décisif en France dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, un basculement juridique, politique et culturel qui redéfinit le rapport au corps, au consentement et à la dignité.
« Ce n’est pas non, c’est l’absence de oui ». Ce principe, défendu depuis des années par les associations féministes, s’apprête à devenir une norme juridique. L’adoption en première lecture au Sénat d’une nouvelle définition du viol fondée sur l’absence de consentement marque une étape historique. Le Conseil d’État, dans son avis du 11 mars 2025, a soutenu cette réforme en soulignant qu’elle était conforme à la Convention d’Istanbul, engageant ainsi la France sur la voie d’une meilleure harmonisation avec les standards européens ([Source]).
Mais il ne s’agit pas simplement d’ajuster une loi. Ce que révèle ce basculement, c’est « l’épaisseur d’un système », pour reprendre les mots d’Anaïs Leleux, militante de la première heure. L’impulsion législative est accompagnée d’un effort inédit de structuration : création de pôles judiciaires spécialisés, généralisation des formations obligatoires, extension du numéro 3919, renforcement budgétaire exigé par les collectifs comme la Fondation des femmes. Ces propositions ne relèvent pas d’un élan symbolique mais bien d’un impératif structurel.
Les résistances existent, et elles méritent d’être entendues. Des voix s’élèvent au sein de la classe politique et du monde juridique pour alerter sur une possible « inflation pénale » et les risques de déséquilibre procédural. Ce débat, s’il est légitime, ne doit pas masquer l’essentiel : « sans consentement libre, il n’y a pas de justice ». Le risque n’est pas tant dans le durcissement des textes que dans leur application inégale. À cet égard, les inégalités territoriales et le manque de moyens restent des angles morts critiques ([Source]).
Dans ce climat, je perçois un signal faible mais essentiel : la lente émergence d’une parole masculine en demande d’écoute, encore marginale mais porteuse de changement. Il ne s’agit pas de concurrence des souffrances, mais d’une reconnaissance partagée des rapports de pouvoir et de vulnérabilité. C’est ici que la société peut franchir un seuil éthique : celui d’un humanisme fondé sur la reconnaissance réciproque.
Je plaide pour une stratégie en couches synchronisées. Il faut un droit clair, une justice outillée, une prévention audacieuse, et surtout, une réinvention des imaginaires. Car « la culture précède la loi », comme le rappelait Françoise Héritier. Éduquer au respect, dès l’enfance, déconstruire les stéréotypes de genre dans les médias, garantir des espaces d’écoute : tout cela est aussi essentiel que les textes.
À l’heure où la France ajuste ses lois, elle est invitée à ajuster ses regards. Ce chantier ne pourra aboutir sans que chacun·e, à sa place, ne participe à ce réapprentissage collectif de l’attention, du respect, de la justice.






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