Les petits billets de Letizia

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Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

Quand Une Ministre Défie La Justice : Ce Que Cela Révèle De Notre Rapport Aux Institutions

En France, L’indépendance Judiciaire Est Plus Qu’un Pilier Républicain : C’est Le Miroir De Notre Confiance Collective

Je ne peux m’empêcher de ressentir une forme d’inquiétude profonde quand une responsable politique de premier plan, investie de la parole de l’État, décide de s’en prendre publiquement à la justice. Non pas pour dénoncer une dérive, ni pour soulever une faille du système, mais bien pour jeter le discrédit sur les magistrat·e·s en insinuant qu’iels poursuivent des objectifs partisans ou personnels. Ce type de comportement n’est pas nouveau, hélas. Mais il me semble que nous avons franchi un seuil.

Cette fois, il ne s’agit pas d’un ou d’une élu·e isolé·e, emporté·e par l’émotion ou l’impatience. Il s’agit d’une ministre, candidate pressentie à la mairie de Paris, mise en examen pour corruption et trafic d’influence dans une affaire liée à Carlos Ghosn. Une figure publique qui, face à son renvoi devant le tribunal correctionnel, choisit de réagir non pas par la retenue ou la dignité, mais par l’attaque frontale, accusant les juges d’acharnement, de partialité, et remettant en cause la légitimité même du Parquet National Financier.

« Je ne me tairai pas », a-t-elle affirmé sur une chaîne d’information continue. « Je suis visée pour ce que je représente ». Derrière ces mots, une rhétorique bien rodée : celle de la victime du système, la femme de pouvoir entravée par une justice politisée. Et pourtant, ce discours, aussi séduisant qu’il puisse paraître pour certain·e·s, est profondément dangereux.

Dans une démocratie mature, la justice n’est pas un pouvoir accessoire. Elle est l’un des garants de l’égalité de toustes devant la loi. S’y soustraire, ou prétendre que les procédures ne valent que pour les autres, revient à fracturer la confiance collective. Et cette confiance est déjà fragile. Comme l’a écrit Montesquieu, « il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice ».

Je suis consciente que la justice n’est pas parfaite. Je suis la première à reconnaître ses lenteurs, ses biais parfois systémiques, ses manques criants de moyens. Mais je suis aussi convaincue que la remettre en cause sans preuve, dans l’espace médiatique, sans emprunter les voies de recours prévues par la loi, revient à instrumentaliser l’opinion. C’est une manière de se poser au-dessus des règles communes, de fragiliser l’institution judiciaire en la désignant comme une ennemie plutôt qu’un contre-pouvoir.

Ce que je trouve le plus préoccupant dans cette affaire, c’est la place croissante que prennent les stratégies de communication dans la réponse à des mises en cause judiciaires. Les discours se substituent à la défense, la victimisation à l’argumentation, la posture à la preuve. Ce brouillage des rôles entre sphère politique et justice est un poison lent pour notre démocratie.

Il ne s’agit pas ici de condamner sans procès. Il s’agit de rappeler qu’une personne mise en examen a droit à une défense, mais pas à l’impunité. Qu’elle a le droit à la présomption d’innocence, mais pas à la mise en accusation des magistrat·e·s sans fondement. Et que le respect de la justice commence par l’exemple que donnent celles et ceux qui exercent le pouvoir.

Si nous voulons vivre dans une société où la loi s’applique équitablement, alors nous devons exiger de nos représentant·e·s qu’iels respectent ses principes, y compris lorsqu’ils·elles sont mis·e·s en cause. Ce respect n’est pas une faiblesse. C’est une force.

Il est temps de se demander ce que nous acceptons, en tant que citoyen·ne·s, dans la manière dont nos dirigeant·e·s traitent les institutions. À nous de refuser le cynisme qui voudrait que la justice ne soit qu’un instrument politique, et de défendre une conception exigeante mais juste de l’État de droit.


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