Une Union Européenne Écartelée Entre Libre-Échange Et Dignité Politique
Je me suis souvent demandée ce que signifiait encore aujourd’hui l’idée d’« Union Européenne ». Derrière les discours sur la paix, la prospérité, l’intégration, je perçois de plus en plus une structure qui peine à se définir autrement que par ses contraintes : l’orthodoxie budgétaire, l’alignement stratégique sur l’OTAN, et surtout, une dépendance commerciale qui nous empêche de penser autrement que dans le cadre d’un libre marché mondialisé.
L’accord signé fin juillet entre l’Union européenne et les États-Unis sur les droits de douane est venu confirmer cette intuition. Il ne s’agit pas simplement d’un compromis tarifaire ; c’est un signal politique. Lorsque la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, s’est empressée de valider cet accord, elle a, de fait, validé « une capitulation silencieuse ». En acceptant des conditions dictées par Washington, elle a confirmé ce que beaucoup redoutaient déjà : « l’Union européenne n’est plus un partenaire, mais une variable d’ajustement de la politique américaine ».
Je ne porte pas ce jugement avec colère, mais avec lucidité. C’est peut-être cela qui me trouble le plus. Car cette dynamique de déséquilibre n’est pas nouvelle : elle s’enracine dans un choix politique ancien, celui de faire de l’UE un pilier économique du libre-échange mondial, tout en sous-traitant sa défense à l’OTAN, c’est-à-dire aux États-Unis. Cette double dépendance rend aujourd’hui toute affirmation de souveraineté extrêmement difficile.
Face à Donald Trump, dont l’agenda commercial est aussi brutal que méthodique, l’Europe n’a pas su opposer une vision cohérente. Chaque État membre a réagi selon ses intérêts propres, l’Allemagne se félicitant de la baisse des droits sur ses véhicules, la France dénonçant un « acte de soumission ». Je partage cette dernière lecture. Non par hostilité envers les États-Unis, mais parce que je crois profondément que « la dignité d’un peuple ne se négocie pas dans les marges d’un contrat ».
Je me suis souvent demandé à quoi pourrait ressembler une politique commerciale européenne fondée non plus sur la peur des représailles, mais sur une ambition commune. Une politique qui choisirait de relocaliser certaines productions, non par nostalgie industrielle, mais par désir de cohérence écologique, sociale et stratégique. Une politique qui défendrait ses normes, non comme des barrières, mais comme des repères.
Je crois que notre faiblesse tient au fait que nous ne savons pas encore qui nous sommes. Sommes-nous une fédération inachevée ou une alliance d’États souverains ? Un marché intérieur ou une promesse politique ? L’Union reste floue parce qu’elle veut plaire à tout le monde : aux investisseurs, aux diplomates, aux stratèges. Mais à force de vouloir éviter le conflit, elle en oublie de poser ses propres termes.
Dans cette actualité commerciale, ce qui m’interpelle n’est pas seulement le contenu de l’accord, mais le silence qui l’entoure. Une absence de débat citoyen, une résignation institutionnelle, une fatigue démocratique. Nous devrions parler de ce que nous voulons construire ensemble. De ce que nous sommes prêt·e·s à défendre, au-delà des chiffres et des traités.
Comme l’écrivait Hannah Arendt : « La liberté, c’est avant tout le droit de dire non ». Peut-on encore dire non quand on a lié son destin économique aux exigences d’un autre continent ?
Ce sujet est politique, mais aussi intime. Il dit quelque chose de notre capacité à exister collectivement dans un monde mouvant. Il nous invite à repenser la manière dont nous articulons puissance, respect, et autonomie. Peut-être en sortant de l’OTAN et de l’Union Européenne…








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