Les petits billets de Letizia

Pourquoi Les Ados S’identifient Aux Personnages De Fiction Et Comment Ces Récits Influencent Leur Construction Personnelle

Quand j’étais adolescente, j’aurais aimé voir à l’écran des histoires qui me ressemblent. Des récits où l’on ne se sent pas bizarre parce qu’on doute, qu’on ne rentre pas dans une case, ou qu’on se sent trop sensible. Aujourd’hui, je vois des séries qui parlent enfin aux jeunes tel·les qu’iels sont : complexes, en construction, fragiles parfois, mais toujours en quête de sens. C’est ce miroir que j’ai voulu explorer, avec comme point d’appui cette idée : « Et si la fiction pouvait nous aider à mieux nous comprendre, à mieux vivre ensemble ? »

Je me suis intéressée à la manière dont les séries pour ados influencent les représentations de soi, du genre, de la sexualité et des relations sociales. Ce qui m’a frappée, c’est à quel point elles peuvent devenir des repères quand l’école, la famille ou les groupes d’ami·e·s n’offrent pas toujours les mots ou l’espace nécessaires. Ce sont des séries comme « Heartstopper », « Sex Éducation » ou « Chair tendre » qui prennent le relais, en proposant des personnages multiples, vrais, vulnérables, imparfaits. Et c’est justement cette imperfection qui les rend précieux.

Ce qui m’importe, c’est de montrer comment ces récits permettent aux jeunes de s’identifier, de se dire « je ne suis pas seul·e », et parfois même d’oser parler de ce qu’iels ressentent. Ce n’est pas rien. Par exemple, lorsqu’un·e ado voit un personnage vivre un coming out avec hésitation, ou lutter contre le regard des autres, il·elle peut s’y reconnaître. Le voir nommé, incarné, partagé, c’est déjà faire un pas vers la reconnaissance de soi. Comme l’écrivait bell hooks : « La représentation est le lieu où la lutte se mène ». Et aujourd’hui, cette lutte passe aussi par Netflix, Arte ou TikTok.

Je ne crois pas que les séries dictent une conduite. Mais je pense qu’elles ouvrent des chemins. Elles posent des questions là où l’on croyait qu’il n’y avait qu’une seule réponse. Et quand elles mettent en scène des personnages non-binaires, des couples queer, des vécus intersexes, elles bouleversent les normes qu’on croyait immuables. Elles ne sont pas parfaites, bien sûr. Certaines exagèrent, d’autres simplifient. Mais elles ont le mérite d’exister, de donner de la place à des récits qu’on a longtemps ignorés.

Certain·e·s diront que les jeunes exagèrent, qu’ils·elles s’inventent des identités. Je préfère y voir un besoin légitime d’explorer, de comprendre, de sentir. Un besoin de se raconter autrement, hors des rôles imposés. Et ce que ces séries permettent aussi, c’est de créer du lien : entre ami·e·s, au sein de la famille, ou même en ligne. Elles offrent un langage commun pour parler d’amour, de harcèlement, de désir ou de violence, sans détour ni tabou.

Ce qui m’interpelle le plus, c’est l’impact émotionnel de ces fictions. On pleure, on rit, on s’indigne avec les personnages. Et dans cette empathie partagée, il y a quelque chose qui éduque, qui libère. À mon sens, c’est là que les séries prennent toute leur place : quand elles deviennent des tremplins vers le dialogue, l’estime de soi et la construction d’un monde plus doux, plus inclusif.

La réception par les jeunes des séries adolescentes, n’est donc pas anodine. Par l’attention que lui apportent les diffuseurs et les scénaristes, elle oriente les visibilités et les récits de jeunes… et de leur entourage !

Alors oui, j’aimerais que ces récits soient plus présents dans nos écoles, nos discussions, nos foyers. Pas pour imposer une vérité, mais pour offrir un éventail d’expériences. Parce que chacun·e mérite de se voir quelque part, de s’entendre dans la voix d’un·e autre, de croire que son vécu a du sens.