Mythe Réchauffé Ou Vérité Intemporelle
Analyse mordante d’un duel politique français entre héritage historique et brouillage contemporain
Depuis plus de deux siècles, notre vie politique se joue sur une scène où les acteurs et actrices se répartissent avec une régularité d’horloge suisse. À gauche, celles et ceux qui brandissent l’étendard du changement. À droite, celles et ceux qui se drapent dans la tradition. Le décor a été planté en 1789, lorsque les révolutionnaires ont simplement choisi un côté de la salle. Depuis, nous vivons dans cette partition spatiale transformée en partition idéologique. Et moi, spectatrice assidue de cette pièce nationale, je me demande parfois si nous assistons encore à un drame politique… ou à une comédie qui se mord la queue.
Les idéaux affichés n’ont pas changé : à gauche, la justice sociale et la redistribution ; à droite, la liberté d’entreprendre et l’ordre. Mais le script s’est embrouillé. À force de « moderniser », de « réformer », de « dépasser les clivages », beaucoup se sont mis·e·s à parler la même langue, avec quelques variations d’accent pour séduire tel ou tel électorat. Parfois, j’ai l’impression que les programmes se ressemblent « comme deux bulletins dans la même urne, mais pas dans la même enveloppe ».
Certain·e·s nous jurent que le clivage gauche-droite est mort. C’est oublier que la vision de l’État, du marché, de la redistribution reste un marqueur puissant. Dans les faits, les débats budgétaires, les réformes des retraites ou la fiscalité continuent de diviser nettement. Ce qui change, c’est l’habillage. Les costumes sont neufs, mais les rôles restent les mêmes. Emmanuel Macron, par exemple, a su se présenter comme l’enfant prodige du dépassement des clivages, tout en réactivant les vieilles querelles par ses choix économiques.
Ce qui brouille la perception, c’est le bruit. Un bruit savamment entretenu par des sujets « passionnels » : immigration, sécurité, « wokisme ». Autant de thèmes qui électrisent les plateaux télé et saturent les réseaux sociaux, tout en reléguant au second plan les réformes structurelles. Je repense à un débat télévisé où deux candidats, pourtant opposés sur l’économie, passèrent plus de la moitié du temps à disserter sur la longueur des jupes et la présence de menus végétariens à la cantine. Ce soir-là, je me suis dit : « Pendant qu’on compte les voiles et les prénoms, la dette continue de gonfler, incognito ».
Mes valeurs me poussent à refuser ces écrans de fumée. Je crois en une politique où l’on parle d’abord de conditions de vie, de justice sociale, de qualité des services publics, de transition écologique. Pas d’un spectacle où l’on change de décor pour masquer l’absence de script. La cohérence est pour moi une exigence, et je ne peux que sourire – amèrement – en voyant combien elle manque parfois dans le théâtre parlementaire.
Comme l’écrivait Albert Camus : « La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent ». Offrir au débat public cette générosité, c’est cesser de jouer aux marionnettes idéologiques et affronter ensemble les grands défis : climat, inégalités, gouvernance démocratique. Le clivage gauche-droite peut être un outil d’analyse utile, à condition de ne pas s’y enfermer.
En somme, ce duel n’est pas mort. Il a juste changé de costume entre deux actes. Et peut-être que, si nous acceptons de lever les yeux des artifices scéniques, nous pourrons enfin voir que le véritable enjeu n’est pas de savoir où l’on s’assoit dans l’hémicycle, mais ce que l’on fait une fois assis·e.
Références :
– Mossuz-Lavau, Janine. Le clivage droite-gauche. Toute une histoire. Presses de Sciences Po, 2020.
– Vie publique. L’opposition gauche-droite dans la vie politique française. 2018.
– IFRI. Nouveaux clivages et populismes. 2024.
– Fondation Jean-Jaurès. Analyses électorales. 2023.







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