Les petits billets de Letizia

Préserver La Vie Sauvage Sans La Briser

Comprendre Et Agir Face Aux Impacts Invisibles Sur La Biodiversité

Il m’est souvent arrivé, en flânant dans mon jardin ou sur un sentier bordé de pins, d’apercevoir un rouge-gorge, une mésange ou un merle. Ces instants fugaces, où la nature semble nous faire un clin d’œil, me rappellent à quel point chaque battement d’aile, chaque frémissement dans l’herbe, est précieux. Pourtant, derrière cette apparente tranquillité, se joue un drame silencieux que nous avons souvent du mal à voir. Entre les pattes du chat du voisin, dans la gueule d’un chien en balade, ou encore au bout du fusil d’un chasseur, la vie sauvage se trouve bien vulnérable.

Je ne cherche pas à dresser un tribunal. Je crois en la responsabilité partagée. Les chats, si gracieux et familiers, deviennent de redoutables prédateurs dès qu’ils retrouvent leurs instincts. Les chiffres sont implacables : des milliards d’oiseaux et de petits mammifères périssent chaque année sous leurs griffes à travers le monde. Les chiens, eux, ne chassent pas toujours, mais laissent derrière eux des traces invisibles : l’urine et les excréments qu’ils abandonnent enrichissent les sols en azote et phosphore, modifiant l’équilibre fragile des prairies et réserves.

Et puis il y a les chasseurs. Ils se disent régulateurs, gardiens d’un certain équilibre. Beaucoup participent à l’entretien des milieux ou à la restauration d’habitats. Mais les prélèvements sont massifs, et une partie concerne des animaux d’élevage relâchés pour être chassés. Peut-on vraiment parler de régulation, quand on introduit soi-même ce que l’on prétend contrôler ? Ce paradoxe me travaille depuis longtemps.

Pourtant, je me refuse à penser que tout est noir ou blanc. J’ai vu des propriétaires de chats prendre soin de les garder à l’intérieur la nuit, par amour pour les oiseaux. J’ai vu des promeneurs et promeneuses ramasser consciencieusement chaque déjection canine, sachant qu’un petit geste peut protéger un grand équilibre. J’ai rencontré des chasseurs qui limitaient volontairement leurs tirs, privilégiant l’observation à la prédation.

Je me souviens d’une promenade d’automne, dans un vallon parfumé de thym et de romarin. Un chien, lancé en avant, a fait s’envoler un couple de perdrix. L’instant était beau, mais je ne pouvais m’empêcher de me demander : « À combien d’oiseaux ce simple élan coûtera la vie ? » Le geste, anodin pour certain·e·s, n’est pas neutre pour la faune.

Mes valeurs me poussent à rechercher un équilibre. La responsabilité, d’abord : chacun·e doit être conscient·e des conséquences de ses actes, même involontaires. Le respect du vivant, ensuite : éviter la souffrance inutile, protéger ce qui peut l’être. Et enfin, la recherche d’harmonie : trouver des solutions qui n’excluent personne, mais qui incluent la nature dans nos décisions.

Victor Hugo écrivait : « La nature parle et l’humanité n’écoute pas ». Il est temps d’écouter. De tenir nos chats à l’intérieur aux heures critiques, de promener nos chiens en laisse dans les zones sensibles, de repenser certaines pratiques de chasse. Car la biodiversité n’est pas un décor : c’est la trame même de notre existence.

Si nous prenons le temps d’observer, de comprendre et d’agir, nous pouvons encore préserver ce chant des oiseaux au petit matin, cette ombre furtive dans les hautes herbes. Et je rêve d’un jour où nos gestes quotidiens, petits ou grands, ne briseront plus l’élan de la vie sauvage, mais l’accompagneront.

Références :

Loss, S. R., Will, T., & Marra, P. P. (2013). The impact of free-ranging domestic cats on wildlife of the United States. Nature Communications.

De Frenne, P., et al. (2022). Nutrient fertilization by dogs in peri-urban ecosystems. Ecological Solutions & Evidence.

Fondation pour la recherche sur la biodiversité (2023). Revue sur l’efficacité des prélèvements d’espèces chassables.

SFEPM / Chat-Biodiversité (2022). Base nationale de suivi participatif.