Les petits billets de Letizia

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Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

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Quand Les Jeunes Scrollent Leur Avenir

Quand Les Jeunes Scrollent Leur Avenir

Réseaux Sociaux Et Bulletins De Vote

Comprendre Comment La Génération Z Façonne La Démocratie À L’Ère Numérique

Il m’arrive de me demander si notre époque ne vit pas une drôle de métamorphose : l’ancienne place publique, celle où l’on débattait à voix haute, a glissé dans un écran que l’on tient au creux de la main. Les doigts effleurent, le regard glisse, et l’actualité se résume trop souvent à quelques secondes de vidéo. La génération Z, née entre la fin des années 1990 et le début des années 2010, vit et respire dans ce flux continu. Et cela ne peut qu’influencer la façon dont elle aborde le vote, ce geste fondateur de toute démocratie.

Il y a dans cette manière de s’informer un contraste frappant. D’un côté, la consommation « passive » : on déroule un fil, on se laisse porter par les algorithmes, et l’information se mêle au divertissement. De l’autre, la consommation « active » : on recherche, on compare, on vérifie, on se forge une opinion en croisant les sources. Cette fracture invisible joue un rôle décisif dans la participation électorale. Les études montrent que celles et ceux qui se contentent de l’information glanée au fil du scroll votent moins, sauf lorsque l’actualité ou un événement viral parvient à les toucher au cœur.

J’ai vu, au détour d’une campagne municipale, comment un simple clip de trente secondes pouvait enflammer un débat local, tandis que des propositions pourtant solides restaient lettre morte faute d’avoir franchi la barrière du format court. Ce n’est pas seulement une question de stratégie politique ; c’est un changement structurel du rapport au monde. L’algorithme ne se contente pas de distribuer l’information : il en façonne l’ordre du jour.

On pourrait croire que cette génération, souvent décrite comme naturellement progressiste, se range spontanément du côté des forces de gauche. Mais la réalité est plus complexe. Une partie notable penche vers la droite, voire l’extrême droite, attirée par des discours sur la sécurité, le pouvoir d’achat ou l’identité nationale. Les jeunes diplômé·e·s tendent à rester attaché·e·s aux enjeux environnementaux et sociaux, tandis que les non-diplômé·e·s privilégient des priorités plus économiques et protectrices. Ce clivage social au sein même de la jeunesse est un fait politique majeur.

Les réseaux sociaux sont à la fois catalyseurs et prisme déformant. Ils peuvent enfermer dans des bulles d’opinion, amplifier les discours simplistes ou polarisants, mais aussi offrir une porte d’entrée vers une meilleure compréhension des enjeux. Certain·e·s créateurs et créatrices réussissent à vulgariser la complexité politique en quelques minutes, prouvant que le format court n’exclut pas la profondeur.

Pour les partis politiques, l’enjeu est clair : s’adresser à cette génération sans céder au piège du marketing creux. Il ne suffit pas de poster des vidéos ; il faut raconter, expliquer, incarner. C’est un équilibre délicat : parler le langage de la génération Z tout en conservant l’exigence intellectuelle qui nourrit la démocratie.

J’aimerais voir se développer une véritable éducation civique numérique. Comprendre comment fonctionnent les algorithmes, apprendre à vérifier une information, savoir identifier les biais : voilà des compétences aussi essentielles aujourd’hui que la lecture ou l’écriture hier. Comme l’écrivait Paul Valéry : « La politique est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde ». À nous de prouver le contraire, en donnant à toutes et tous les moyens de se mêler pleinement de ce qui les concerne.

Car au fond, l’avenir démocratique de la France se joue aussi dans ce geste banal : faire défiler un écran. Il peut nous éloigner de la citoyenneté ou, au contraire, nous y ramener, pour peu que l’on choisisse de cliquer, de lire, de réfléchir… et, un jour, de voter.

Références

– CEVIPOF – Élections européennes et élections législatives 2024, Sciences Po, Anne Muxel & Justin Soubanere, 2024

– IFOP – Rapports sur la jeunesse et les élections européennes 2024–2025

– Le Monde – Dossiers sur la génération Z et l’information, 2024

– Frontiers – Études sur l’influence de TikTok et la désinformation, 2023–2024

– ANACEJ – Rapports sur la participation des jeunes, 2024


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