Quand La Désillusion Civique Interroge Nos Valeurs Et Nos Attentes Collectives
Il m’arrive de repenser à ce jour d’élection où, devant l’isoloir, j’ai ressenti non pas la conviction, mais le doute. « Pour qui vote-t-on quand on ne croit plus que cela changera quelque chose ? » C’est cette question intime, partagée par tant d’électeurs et électrices, qui m’a poussée à réfléchir plus profondément à la crise de confiance politique qui traverse la France aujourd’hui et à partir sans voter ce jour-là.
Depuis plusieurs années, nous assistons à une érosion lente mais constante de la confiance envers nos institutions démocratiques. Cette défiance, loin d’être un simple désintérêt passager, semble s’ancrer dans une forme de fatigue collective. La dissolution de l’Assemblée nationale en 2024, perçue par une majorité comme un coup politique mal justifié, n’a fait que renforcer cette fracture. Les citoyen·ne·s se sentent peu écouté·e·s, peu représenté·e·s, voire parfois méprisé·e·s par celles et ceux qui devraient être leurs porte-voix.
Ce qui me frappe particulièrement, c’est la contradiction entre l’attachement profond des Français·e·s à la démocratie et leur désir de voir émerger « un vrai chef pour remettre de l’ordre », comme le réclament 73 % d’entre eux et elles. Ce paradoxe dit quelque chose d’essentiel : un besoin de clarté, d’efficacité, peut-être même de protection, dans un monde devenu flou, instable, parfois violent. Ce n’est pas forcément un rejet des principes démocratiques, mais une tentative de réconcilier autorité et justice. Une quête de repères, en somme.
Dans ce contexte, les institutions semblent à la fois distantes et impuissantes. L’usage répété du 49.3, l’absence de majorité claire, la montée des partis populistes… tout concourt à entretenir un sentiment de chaos. Ce climat fragilise non seulement les pouvoirs publics, mais aussi notre lien civique, déjà mis à mal par des années d’inégalités sociales, de centralisation excessive, et d’un entre-soi politique de plus en plus visible. Je l’ai moi-même ressenti en échangeant avec des proches vivant en zone rurale : beaucoup disent se sentir « oubliés », « inutiles », « en dehors ».
Et pourtant, tout n’est pas perdu. L’espoir réside, me semble-t-il, dans le local, dans l’engagement de terrain, dans ces dynamiques citoyennes qui continuent à faire vivre une démocratie plus proche, plus humaine. Les maires inspirent encore confiance. Les associations, les collectifs, les syndicats, parfois même des mouvements informels, offrent des espaces de parole et d’action concrets. C’est vers ces acteurs et actrices que je me tourne quand je doute, car je les vois agir, dialoguer, inventer.
Je crois aussi à une réforme profonde des institutions, à condition qu’elle ne soit pas technocratique mais participative. Donner plus de pouvoir au Parlement, développer le référendum d’initiative citoyenne, intégrer les citoyen·ne·s dans les décisions publiques… Autant de leviers pour restaurer ce lien abîmé. Comme le disait Simone Weil, « l’attention est la forme la plus rare et la plus pure de la générosité ». Appliquer cela à la politique serait déjà une révolution.
Cette réflexion n’est ni un constat amer, ni un plaidoyer naïf. C’est une invitation à ne pas se résigner. À refuser de céder au fatalisme ambiant. À croire encore, et surtout à agir. Car derrière la crise de confiance, il y a une opportunité de refondation. Celle d’un contrat social plus juste, plus inclusif, plus vivant.
Si vous aussi vous vous interrogez, si vous ressentez parfois cette fatigue démocratique, alors parlons-en. Ensemble, redonnons du sens à nos engagements, à nos voix, à nos convictions partagées.
Sources utilisées :
– Baromètre CEVIPOF 2025 « Le grand désarroi démocratique »
– Le Monde, enquêtes sur la dissolution, la défiance et les attentes citoyennes (2024–2025)
– IPSOS / Fondation Jean-Jaurès, sondages sur la perception du leadership et de la démocratie
– IRIS / IFRI, analyses sur les effets politiques de l’instabilité gouvernementale
– France Culture, entretiens avec Bruno Cautrès et Luc Rouban sur la recomposition du lien civique







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