Quand L’Europe Devient Le Dindon De La Farce
Comment Le Duo Trump-Poutine Redéfinit Le Conflit Ukrainien Aux Dépens De L’Europe
Il est des instants où l’histoire se joue dans les nuances des mots. Entre « cessez-le-feu » et « accord de paix », c’est bien plus qu’une question de vocabulaire qui se dessine : c’est l’avenir de l’Ukraine, de l’Europe et des équilibres internationaux qui se trouve suspendu. J’observe ce débat avec une inquiétude particulière, car derrière les annonces spectaculaires et les revirements politiques se cache une vérité plus sombre : l’Europe, une fois de plus, semble destinée à devenir « le dindon de la farce ».
La décision de Donald Trump d’affirmer désormais sa préférence pour un accord global plutôt qu’une trêve temporaire résonne comme une musique familière aux oreilles du Kremlin. Cette convergence entre Washington et Moscou, aussi surprenante qu’elle puisse paraître, n’est pas anodine. Elle s’apparente à une négociation où les deux grands acteurs s’emploient à régler leur propre équilibre stratégique, sans véritable considération pour celles et ceux qui, en Europe, en paient le prix humain, économique et politique.
Je ne peux m’empêcher de voir dans ce choix une illusion de stabilité. Un accord de paix rapide, présenté comme définitif, risque fort de ne pas être autre chose qu’une capitulation déguisée pour l’Ukraine. En acceptant de figer les conquêtes territoriales russes et d’amoindrir les garanties offertes à Kiev, Washington et Moscou offriraient à l’Europe un modèle dangereux : celui où la force brute prévaut sur le droit international. Comme l’a écrit Hannah Arendt, « la violence peut détruire le pouvoir, mais elle est totalement incapable de le créer ». Or, un accord fondé sur des rapports de force instables n’engendre ni confiance ni avenir durable.
Du côté ukrainien, la prudence de Volodymyr Zelensky témoigne d’une lucidité douloureuse. Il sait qu’un cessez-le-feu, même imparfait, peut représenter un répit salutaire, un temps pour réorganiser les défenses, pour permettre aux citoyen·ne·s de souffler, pour reconstruire l’espérance. À l’inverse, un accord global mal conçu pourrait l’enfermer dans une dépendance structurelle, l’empêchant de retrouver une souveraineté pleine et entière. Ce dilemme rappelle les accords de Minsk, qui avaient gelé la situation sans jamais résoudre les causes profondes du conflit.
Mais c’est l’Europe qui, une fois encore, se trouve en position de vulnérabilité. Marginalisée par une entente directe entre les États-Unis et la Russie, elle se voit réduite à un rôle secondaire, spectatrice d’une pièce tragique où se négocie son propre avenir. Sa sécurité collective est fragilisée, son autonomie stratégique compromise, et sa cohésion interne menacée. Comment ne pas voir dans ce scénario un retour au schéma du passé, où de grandes puissances décident du sort d’un continent sans que celui-ci ait véritablement voix au chapitre ?
Pourtant, l’Europe ne peut se contenter de cette passivité. Son rôle, aujourd’hui plus que jamais, est de porter une vision alternative : celle d’un processus qui commence par la protection immédiate des vies humaines à travers un cessez-le-feu, et qui s’inscrit ensuite dans un cadre de négociations rigoureusement encadrées par le droit international. Une telle approche ne garantit pas une paix immédiate, mais elle évite le piège d’une paix illusoire qui masquerait à peine la continuité de la guerre.
Je crois profondément que la valeur d’un projet de paix ne se mesure pas seulement à l’arrêt des combats, mais aussi à la dignité retrouvée des populations qui les subissent. Sauver des vies, permettre aux familles de se retrouver, ouvrir des couloirs humanitaires, ce sont là des actes qui donnent du sens au mot paix. L’Europe doit donc faire entendre une voix claire, non pas pour rivaliser avec les grandes puissances, mais pour rappeler que la paix est avant tout un processus humain avant d’être une équation stratégique.
En définitive, le dilemme entre cessez-le-feu et accord global met en lumière un paradoxe : ce qui paraît définitif peut se révéler éphémère, tandis que ce qui semble transitoire peut ouvrir la voie à une stabilité durable. L’Europe doit refuser d’être ce dindon de la farce diplomatique et affirmer son rôle de gardienne des principes qui la fondent. C’est à ce prix seulement qu’elle pourra transformer une paix imposée en une paix choisie, et inscrire son avenir non dans la dépendance, mais dans la responsabilité.
À vous lectrices et lecteurs, je pose la question : préférons-nous une trêve imparfaite qui sauve des vies, ou une paix proclamée qui risque de n’être qu’un trompe-l’œil ?
Références
– Le Monde, couverture diplomatique sur la guerre en Ukraine
– IFRI, analyses stratégiques sur la sécurité européenne
– France Diplomatie, positions officielles françaises
– ONU OCHA, rapports humanitaires








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