Une Question De Responsabilité Ou De Culpabilisation ?
Pourquoi Devons-Nous Porter Ce Poids Ensemble ?
J’ai souvent l’impression que l’on nous parle de la dette publique comme d’un fardeau personnel, comme si chacune et chacun de nous portait une dette sur ses épaules. On nous répète que « chaque Français doit près de 50 000 euros ». Cette image est forte, mais elle me trouble. Car derrière ces discours chiffrés se cachent des choix politiques, économiques et fiscaux qui ne sont pas ceux des citoyen·ne·s, mais bien ceux des gouvernements successifs.
Plutôt que de m’arrêter uniquement sur les chiffres, j’ai choisi de réfléchir à la place qui nous est donnée dans ce récit collectif. Sommes-nous considéré·e·s comme partenaires d’un projet commun ou réduit·e·s au rôle de coupables silencieux et silencieuses ?
On entend souvent que la dette est liée à nos dépenses courantes : les retraites, les salaires des fonctionnaires, la santé, l’éducation. Oui, ces dépenses existent, mais elles ne sont pas des caprices individuels. Elles représentent des choix de société, des valeurs qui façonnent notre modèle social. Dire que c’est la cause principale de la dette revient à faire peser sur nous la responsabilité de décisions collectives. Je ne peux m’empêcher de penser que cette rhétorique a pour effet de nous culpabiliser alors même que nous n’avons pas tenu la plume budgétaire.
À l’inverse, d’autres rappellent que la dette s’est aussi creusée à cause de baisses d’impôts, de niches fiscales ou d’exonérations accordées aux entreprises et aux plus fortunés. Alors, pourquoi toutes et tous devrions-nous être pénalisé·e·s quand les plus riches, qui ont gouverné et influencé les politiques, continuent de s’enrichir ? Cette question me semble cruciale, car elle touche à la justice sociale et à la confiance que nous pouvons encore accorder à nos institutions.
On compare souvent la dette publique à celle d’un ménage. Cette analogie est séduisante pour frapper les esprits, mais elle est trompeuse. Un État n’est pas une famille. Il peut s’endetter sur le long terme, refinancer ses créances, mutualiser la charge entre générations. Alors pourquoi insister sur cette image ? Peut-être parce qu’elle rend la question plus concrète, mais elle masque des nuances essentielles. Comme le disait Paul Valéry : « Ce qui est simple est toujours faux. Ce qui ne l’est pas est inutilisable ».
Ce qui m’inquiète davantage, ce ne sont pas seulement les milliards inscrits dans les rapports financiers, mais les effets directs de ces politiques sur la vie des gens. Le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté ces dernières années. Derrière les chiffres, il y a des vies fragilisées, des parcours cabossés, des familles qui peinent à boucler leur mois. Et je me demande : comment réduire la dette sans briser encore davantage celles et ceux qui sont déjà les plus vulnérables ?
Un autre aspect qui m’interpelle est celui des générations futures. On nous dit que nous leur laissons une dette. Mais tout dépend de ce que finance cette dette. S’il s’agit d’investissements dans la transition écologique, l’éducation ou la santé, alors ce n’est pas seulement un poids transmis : c’est aussi un legs, un socle pour leur avenir. En revanche, si la dette finance des dépenses courantes ou des allègements fiscaux inégalitaires, alors oui, la question éthique se pose pleinement.
En écrivant ces lignes, je réalise que ce qui me touche le plus, c’est la manière dont on nous parle. Sommes-nous traité·e·s comme responsables, capables de comprendre et de participer au débat, ou bien comme des enfants qu’on gronde ? Pour moi, ce n’est pas la dette en elle-même qui pèse le plus, mais la façon dont elle est utilisée pour construire un récit qui culpabilise au lieu de responsabiliser.
Je crois qu’il est temps de dépasser cette vision réductrice. La dette publique ne doit pas être un instrument de peur, mais un outil de réflexion sur nos choix communs. Elle nous oblige à poser une question essentielle : quelle société voulons-nous bâtir ? Et surtout, sur qui voulons-nous faire reposer le poids de nos décisions ?
Et vous, comment percevez-vous cette dette ? Est-elle pour vous un fardeau que nous portons à tort, ou une responsabilité partagée qu’il faut repenser collectivement ? Je serais heureuse de lire vos impressions et vos expériences.
Références utilisées :
– Cour des comptes, rapports 2024-2025 sur les finances publiques
– INSEE, données sur la dette publique et la pauvreté
– France Culture, débats sur la dette et justice sociale
– Attac France, analyses critiques des politiques fiscales
– IFRI, analyses économiques et budgétaires







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