Les petits billets de Letizia

Un blog pour donner à réfléchir, pas pour influencer… #SalesConnes #NousToutes


Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

, ,

La Taxe Zucman, Un Débat Qui Révèle Nos Choix De Société

Entre Justice Fiscale Et Risques Économiques

J’ai longtemps eu le sentiment que parler d’impôt, en France, c’était mettre les pieds dans un terrain miné. Mais en découvrant la proposition de la « taxe Zucman », qui viserait les patrimoines dépassant cent millions d’euros avec un taux plancher, j’ai ressenti qu’il ne s’agissait pas simplement de chiffres. Ce débat raconte une histoire plus profonde : celle de notre rapport collectif à la justice, à l’égalité et à la solidarité.

La première fois que j’ai entendu Gabriel Zucman expliquer son projet, j’ai été frappé·e par son constat : les très grandes fortunes contribuent proportionnellement moins que les autres. J’ai repensé à mes proches, parfois étouffé·e·s par des prélèvements quotidiens, et je me suis dit : « Pourquoi accepter qu’un tel déséquilibre perdure ? » Cette taxe, en ciblant une infime minorité, promet des recettes colossales pour financer nos écoles, nos hôpitaux, nos transitions énergétiques. Et pourtant, l’évidence morale se heurte à une réalité complexe.

Les critiques ne manquent pas. On m’a rappelé que l’ancien impôt de solidarité sur la fortune avait poussé certain·e·s contribuables à l’exil fiscal, et que l’ingénierie financière rend les ultra-riches redoutablement habiles à contourner les règles. J’entends ces réserves : taxer un patrimoine n’est pas aussi simple que taxer un revenu. Que faire des entreprises familiales dont la valeur est réelle mais non liquide ? Que faire des biens culturels ou fonciers dont l’évaluation est sujette à caution ?

Il m’arrive de douter. Si l’on prend au sérieux les avertissements de certains économistes, la fuite des capitaux et les pertes d’investissement pourraient fragiliser notre tissu économique. Mais je ne peux ignorer non plus les voix qui affirment que la croissance se nourrit d’infrastructures publiques solides, d’un État qui investit dans l’éducation et la recherche, et que ces ressources doivent bien venir de quelque part. Comme le disait déjà Thomas Piketty : « Chaque société doit choisir entre la démocratie et l’oligarchie ». Cette phrase résonne d’autant plus aujourd’hui.

Sur le plan juridique, l’histoire est tout aussi disputée. Le Conseil constitutionnel pourrait estimer qu’une telle taxe enfreint l’égalité devant l’impôt ou le droit de propriété. Les débats parlementaires, entre l’adoption à l’Assemblée nationale et le rejet au Sénat, montrent combien cette idée cristallise des tensions idéologiques. D’un côté, l’aspiration à une redistribution juste ; de l’autre, la crainte d’un affaiblissement de la compétitivité française.

Et si je me tourne vers l’étranger, je vois des expériences contrastées. L’Espagne applique une taxe sur le patrimoine qui rapporte effectivement plusieurs milliards par an. La Suisse, avec ses cantons, pratique depuis longtemps une fiscalité de ce type, sans effondrement économique. Mais ailleurs, les résultats ont parfois été décevants, faute de coopération internationale et de dispositifs anti-évitement robustes. Cette comparaison me rappelle que la France ne vit pas en vase clos : dans un monde globalisé, taxer les grandes fortunes exige une coordination avec nos voisins.

Alors, que penser ? Pour moi, la taxe Zucman n’est ni une panacée ni une menace mortelle. Elle est un miroir tendu à notre société. Sommes-nous prêt·e·s à réaffirmer que l’extrême richesse implique une responsabilité particulière ? Ou préférons-nous maintenir le statu quo au nom de la liberté individuelle et de la fluidité des capitaux ? J’ai la conviction que ce débat, au-delà de ses aspects techniques, engage notre conception du vivre-ensemble. Et peut-être qu’en y répondant, nous déciderons quel avenir nous voulons construire collectivement.

Références utilisées

– Assemblée nationale, dossier « Impôt plancher sur les ultra-riches », février 2025.

– Sénat, rapport de la Commission des finances, juin 2025.

– Gabriel Zucman, rapport au G20, juin 2024.

– Le Monde, articles et tribunes, mai 2024 – juillet 2025.

– OFCE, analyses économiques, 2024–2025.

– INSEE, évaluation de la réforme ISF–IFI, 2019.

– Expériences comparatives Espagne, Norvège, Suisse, rapports 2024–2025.


En savoir plus sur Les petits billets de Letizia

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Laisser un commentaire