Les petits billets de Letizia

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Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

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L’Impasse Politique D’Emmanuel Macron

L’Impasse Politique D’Emmanuel Macron

Pourquoi La Gauche Reste À La Porte De Matignon

Entre Crise Institutionnelle Et Calculs Partisans

Il paraît que nous vivons en République. Pourtant, en ce mois de septembre 2025, l’impression dominante est celle d’un théâtre où les acteurs se disputent le texte sans savoir qui doit jouer le premier rôle. La scène se déroule à Matignon : François Bayrou sur le départ, un président en quête d’allié·e·s et, en coulisses, un Parti socialiste qui se demande si le rideau se lèvera enfin pour lui. Emmanuel Macron, lui, parle de « responsabilité », mais semble préférer l’immobilisme au risque d’un vrai changement.

Tout a commencé avec la dissolution de 2024 qui a laissé un Parlement en lambeaux : trois blocs, trois visions inconciliables, et aucune majorité claire. Depuis, deux Premiers ministres sont passés à la trappe, laissant l’exécutif dans une fragilité chronique. En septembre 2025, Macron consulte les socialistes, les reçoit à Matignon, et laisse filtrer l’idée d’une ouverture. Mais cette ouverture ressemble davantage à une fenêtre entrouverte qu’à une véritable porte. Derrière les beaux discours sur la stabilité, la réalité est simple : nommer un Premier ministre socialiste reviendrait à dynamiter ce qui reste de son socle, déjà fissuré par des Républicains méfiants.

Car voilà le premier paradoxe : le président, qui se veut pragmatique, refuse un rapprochement avec un PS qui pourrait lui apporter quelques voix précieuses. Pourquoi ? Parce que ce mariage politique signifierait le divorce immédiat avec Les Républicains, encore indispensables pour sauver les meubles. Bruno Retailleau et d’autres figures de la droite l’ont répété : un Matignon socialiste serait la ligne rouge. Autrement dit, Macron doit choisir : perdre ses partenaires de droite ou continuer à exclure une gauche pourtant plus proche idéologiquement sur certains dossiers sociaux. C’est ce que l’on appelle être coincé entre le marteau et l’enclume.

Le scénario d’un gouvernement de gauche piloté par Macron n’a rien d’un conte de fées. En plus de la rupture avec les Républicains, l’aventure risquerait de semer la zizanie au sein même des macronistes. Entre les tenant·e·s d’une ligne libérale et celles et ceux qui tolèrent encore un compromis social, la cohésion de la majorité volerait en éclats. Ajoutez à cela le risque budgétaire, la méfiance des marchés et les inquiétudes européennes, et vous obtenez un cocktail explosif. Un Premier ministre socialiste pourrait certes incarner une respiration politique, mais au prix d’une crise financière ou diplomatique dont Macron n’a aucune envie d’assumer les conséquences.

C’est là qu’Olivier Faure entre en scène avec sa proposition de « cohabitation en bonne et due forme ». Le Premier secrétaire du PS plaide pour un gouvernement vraiment de gauche, avec un programme clair et un Parlement qui décide. Une idée séduisante sur le papier, mais qui se heurte à deux obstacles majeurs : les mathématiques et l’histoire. Les mathématiques, parce que le PS n’a pas assez de sièges pour imposer une majorité sans le renfort d’autres composantes du Nouveau Front populaire, notamment LFI, qui n’a aucune intention de jouer les figurants. L’histoire, parce que les cohabitations passées – 1986, 1993, 1997 – n’ont jamais été le fruit d’improvisations, mais de majorités nettes, assumées, et donc légitimes. Faure a beau clamer que « le gouvernement propose et le Parlement dispose », encore faut-il qu’il y ait un Parlement disposé à suivre.

Et que se passerait-il si le Parti socialiste restait exclu du pouvoir ? Probablement ce qu’il connaît depuis des années : une marginalisation lente, une image de parti-pivot sans jamais peser réellement, et la frustration de voir ses propositions récupérées sans reconnaissance. Entrer au gouvernement ne serait pas sans risque non plus : l’ombre d’une dilution macroniste plane toujours. Mais rester à la porte, c’est condamner le PS à rester ce que certains appellent déjà « l’invité de seconde zone » de la République. Entre effacement et compromission, le choix ressemble à une mauvaise farce.

Comme le disait Pierre Mendès France : « Gouverner, c’est choisir ». En refusant de choisir franchement, Emmanuel Macron prolonge une impasse institutionnelle qui use la démocratie et épuise la confiance des citoyen·ne·s. Et au bout du compte, si la gauche reste à la porte de Matignon, ce n’est pas seulement le Parti socialiste qui perd : c’est le système tout entier qui s’enlise dans ses contradictions.

Références utilisées

– Le Monde, 3 septembre 2025, « Pour sortir de la crise politique, Emmanuel Macron se tourne vers les socialistes ».

– Reuters, 4 septembre 2025, reportage sur la rencontre d’Olivier Faure à Matignon.

– LCP, 4 septembre 2025, entretien d’Olivier Faure.

– Vie-publique, 19 juin 2019, dossier « La cohabitation dans la vie politique française ».

– Marie-Anne Cohendet, entretien, Le Monde, 26 juin 2024.


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