Les petits billets de Letizia

Comment Nos Actions Quotidiennes Façonnent Notre Sagesse

J’aime revenir à une parabole de Léon Tolstoï. Elle raconte l’histoire d’un roi qui cherchait désespérément à savoir quel était le meilleur moment pour agir, qui étaient les personnes les plus importantes et quelle était l’action la plus juste. Après bien des recherches, il découvre par l’expérience que « le seul moment qui compte est l’instant présent, les personnes essentielles sont celles qui sont auprès de nous, et la chose la plus importante est de leur faire du bien ». Cette simplicité apparente m’émeut toujours, car elle révèle une sagesse que nous avons tendance à oublier dans nos vies rapides, projetées vers demain.

Pourquoi avons-nous si souvent tendance à fuir l’instant ? Nos esprits s’enferment dans des projections abstraites, dans le futur hypothétique ou dans des analyses sans fin. Les sciences comportementales parlent de biais temporels : nous survalorisons les gains immédiats ou, au contraire, nous remettons sans cesse nos décisions. À cela s’ajoute un contexte social où l’économie de l’attention façonne nos comportements. Nos écrans, conçus pour capter chaque seconde, rendent plus difficile l’expérience de la présence. Je le ressens moi-même lorsque je me surprends à vérifier une notification au lieu d’écouter pleinement une voix amie.

Pourtant, les bénéfices d’un retour au présent sont tangibles. Les recherches médicales et psychologiques menées en France montrent que la pleine conscience réduit le stress, apaise les symptômes anxieux et dépressifs et améliore la compassion. Les neurosciences mettent en évidence que l’attention au moment présent modifie nos circuits émotionnels et nos prises de décision. Une étude récente a même montré que des programmes de méditation réguliers produisaient des effets durables, renforçant la qualité de vie et les relations sociales. Vivre le présent n’est donc pas une vague injonction spirituelle, mais un levier concret pour notre santé et nos choix.

Il me semble que le bon sens et l’empathie forment deux clés indispensables. Le bon sens, dans sa dimension cartésienne, rappelle cette capacité d’aller droit au nécessaire. L’empathie, quant à elle, nous invite à nous tourner vers les autres avec attention. Ensemble, ces deux forces nous donnent la possibilité de répondre aux grandes questions existentielles par des gestes simples : écouter sans préparer sa réponse, prendre une minute de silence avant de décider, tendre la main sans calculer. Comme l’écrivait Bergson, « l’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons faire ». Cette parole résonne avec la parabole tolstoïenne : la sagesse ne se trouve pas dans un concept lointain, mais dans l’action juste, ici et maintenant.

J’ai choisi de mettre en pratique cette idée par de petits rituels quotidiens. Une micro-pause de respiration de soixante secondes avant une tâche importante. Une conversation par jour sans téléphone sur la table. Un geste de bienveillance offert à une personne proche ou inconnue. Ces actes minuscules ne changent pas le monde en apparence, mais ils m’aident à demeurer présent·e, à nourrir des relations plus profondes et à retrouver un équilibre intérieur.

Alors, si je devais partager une conviction à la lumière de Tolstoï, ce serait celle-ci : nous n’avons pas besoin de chercher loin pour vivre une existence plus riche de sens. Le présent nous tend les bras, il nous invite à l’habiter pleinement et à y déposer la qualité de notre attention. C’est dans cet instant que se joue déjà une part de notre sagesse collective.

Références utilisées

– Tolstoï, Les Trois questions, 1885

– Le Monde, tribune sur la méditation de pleine conscience, 1 février 2022

– CNRS Le journal, « La méditation agit directement sur notre stress », 16 avril 2020 ; dossier « Pleine conscience », 2024–2025