Vérité Chiffrée Ou Alibi Pour L’austérité ?
Réflexion Personnelle Sur Un Débat Qui Nous Concerne Toutes Et Tous
Je me souviens de la première fois où j’ai entendu cette formule en boucle : « la dette, ce fardeau pour nos enfants ». Derrière cette phrase qui frappe, il y a un chiffre colossal : plus de 3 300 milliards d’euros de dette publique fin 2024, soit environ 113 % de notre richesse nationale. Ces données officielles disent une vérité brute : l’État vit depuis longtemps au-dessus de ses moyens. Mais ce que je veux questionner ici, c’est la manière dont cette vérité est instrumentalisée.
On nous répète que la dette impose de réduire nos dépenses publiques. Dans la bouche de responsables politiques, elle devient un outil de persuasion pour justifier des coupes dans l’éducation, la santé ou l’aide sociale. Le discours est rodé : « Nous devons assainir nos finances », « nous ne pouvons plus financer certains services ». Il s’agit d’un récit qui se veut rationnel, mais qui masque des choix politiques. Car réduire la dépense publique, ce n’est pas une fatalité économique : c’est une orientation.
Ce que les rapports récents mettent en évidence, c’est une autre réalité. Oui, la charge d’intérêt augmente avec la remontée des taux, et cela grève notre budget. Mais non, cela ne signifie pas qu’il faille sacrifier la solidarité. Les économistes progressistes, comme Thomas Piketty, rappellent que la dette n’est pas une entité morale qui juge nos sociétés, mais un outil de gestion collective. D’autres, comme Xavier Ragot, soulignent qu’il existe des marges de manœuvre pour stabiliser la dette sans infliger une austérité brutale, notamment par une hausse sélective des recettes fiscales.
Je ressens un malaise devant cette obsession politique pour le chiffre. Elle réduit la complexité humaine et sociale à une équation comptable. Les associations de terrain, elles, voient les effets concrets : familles qui n’accèdent plus aux soins, jeunes qui renoncent à des études, personnes âgées isolées faute de services publics de proximité. Ce sont ces vies abîmées par des coupes budgétaires que l’on préfère taire lorsqu’on brandit l’épouvantail de la dette.
Je crois qu’il est temps d’oser une autre narration. Une dette publique peut être un investissement dans l’avenir si elle finance la transition écologique, l’éducation ou la recherche. La vraie question n’est donc pas « combien doit-on », mais « à quoi sert cette dette » ? Si elle alimente des politiques injustes, alors elle devient effectivement un instrument de domination sociale. Si elle construit un horizon commun plus équitable, alors elle retrouve sa légitimité. Comme l’écrivait Paul Valéry : « Le problème de notre temps est que l’avenir n’est plus ce qu’il était ».
Je veux croire que l’avenir de la France ne peut se réduire à une ligne comptable. Il dépend de notre capacité collective à choisir ce que nous voulons financer, et de quelle manière. La dette n’est pas un piège inévitable, mais un miroir tendu sur nos priorités. À nous de décider si nous voulons qu’il reflète la peur ou l’espérance.
Références principales
– INSEE, « Dette publique au quatrième trimestre 2024 », 27 mars 2025
– Cour des comptes, « La situation des finances publiques », 13 février 2025
– Xavier Ragot, tribune économique, 11 juin 2024
– Thomas Piketty, analyses et interventions publiques, 2024







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