Les petits billets de Letizia

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Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

La République exemplaire a enfin trouvé un locataire de marque pour ses cellules.

Sarkozy en prison !

Question : justice indépendante ou théâtre démocratique ?

Je dois vous l’avouer : j’ai toujours aimé les tragédies françaises. Elles ont ce parfum de grandeur déchue, d’idéaux brisés, de héros fatigués. Mais je n’imaginais pas qu’un ancien président de la République viendrait un jour enrichir le répertoire judiciaire avec autant de panache. « Nicolas Sarkozy, condamné à cinq ans de prison dont deux fermes », pour association de malfaiteurs dans la ténébreuse affaire du financement libyen. Certain·e·s y voient une victoire de la justice, d’autres une mascarade. Moi, j’y vois surtout une farce républicaine, jouée sur une scène où le public n’applaudit plus depuis longtemps.

À droite, on crie au complot. À l’extrême droite, on parle d’acharnement. « La justice est politisée », nous répètent-ils, comme si répéter un mensonge pouvait en faire une vérité. Pendant ce temps, à gauche, on se félicite à demi-mot, sans trop oser danser sur les ruines. L’affaire est grave, certes, mais ce qui l’est encore plus, c’est la suspicion généralisée qu’elle engendre. La justice devient une balle de ping-pong dans un match sans arbitre, et les citoyen·ne·s, désabusé·e·s, se demandent si la République tient encore debout.

La présomption d’innocence, parlons-en. Elle ressemble de plus en plus à une antiquité, un vestige qu’on expose dans les musées du droit, mais qu’on applique à géométrie variable. L’exécution provisoire des peines fait florès : voilà que l’on punit avant d’avoir définitivement jugé. Une justice « à emporter », livrée en express, qui n’attend plus la fin du spectacle pour distribuer les coups. On m’expliquera que c’est pour l’efficacité, mais j’ai connu des marchands de tapis plus subtils dans leurs arguments. « La justice expéditive est toujours la plus chère », disait-on jadis. Aujourd’hui, elle est surtout la plus suspecte.

Et que dire de cette douce tentation qui plane au-dessus de l’Élysée : la grâce présidentielle. Certain·e·s à droite murmurent déjà à l’oreille d’Emmanuel Macron qu’il serait élégant, noble, presque monarchique, de gracier l’ancien président. Quelle ironie ! Sarkozy, qui avait lui-même réduit l’usage de ce privilège, pourrait bien se retrouver quémandeur de cette clémence. Ce serait un retournement aussi délicieux qu’une comédie de Feydeau. On imagine déjà les portes claquer, les quiproquos résonner et le président actuel jouer les juges suprêmes, entre deux voyages diplomatiques et une réforme impopulaire.

Mais derrière les rires forcés et les sarcasmes faciles, il reste une vérité douloureuse : la confiance s’effondre. Moins de la moitié des Français·e·s déclarent faire confiance à la justice. Le discrédit s’accroît, alimenté par la lenteur des procédures, les soupçons de preuves fragiles et cette impression qu’il existe une justice pour les puissants et une autre pour les petits délinquants. « Quand on condamne un président, on ne renforce pas la République, on l’expose à ses fissures », me disait récemment un ami magistrat. Peut-être avait-il raison.

Au fond, cette affaire Sarkozy révèle moins une justice triomphante qu’un théâtre en crise. Une mise en scène où les acteurs politiques feignent l’indignation, où les juges tiennent leur rôle avec gravité, et où le public, épuisé, quitte la salle avant le baisser de rideau. La démocratie française n’est pas morte, mais elle se traîne sur les planches, lestée de ses contradictions, essoufflée par ses incohérences. Et moi, j’assiste à la représentation, mi-amusée, mi-accablée, en me demandant combien de temps encore le rideau tiendra.


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