Les petits billets de Letizia

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Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

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#RaptureTok : Comment Se Faire Avaler Par Un Hashtag

#RaptureTok : Comment Se Faire Avaler Par Un Hashtag

Croire À La Fin Du Monde, Ou ?

Quand Les Réseaux Sociaux Transforment L’Apocalypse En Divertissement Publicitaire

Je dois vous avouer un secret : j’ai toujours été fascinée par la capacité de mes semblables à croire aux plus invraisemblables scénarios. Mais je n’avais pas imaginé qu’un jour, TikTok transformerait l’Apocalypse en saga sponsorisée par ses propres algorithmes. Voilà donc #RaptureTok, ce marché aux illusions où chacun rivalise pour annoncer la fin du monde avec la ferveur d’un conseiller municipal en campagne électorale.

Il faut dire que l’algorithme a du flair : il ne nourrit pas l’esprit critique, mais repère l’émotion brute, le frisson, la panique. Résultat, les vidéos annonçant la fin du monde se propagent plus vite qu’une rumeur de remaniement ministériel. On s’y retrouve pris·e·s comme dans une Assemblée nationale improvisée où chaque prophète autoproclamé réclame son quart d’heure de gloire numérique. La peur devient un produit dérivé, et chacun défile avec son slogan : « C’est demain, préparez vos valises célestes ! ».

Évidemment, derrière le folklore, il y a des dégâts. Les plus jeunes, déjà fragilisé·e·s par l’école de l’angoisse quotidienne qu’est TikTok, s’imprègnent de ces récits comme de la pluie d’octobre. Nuit blanche, crise de panique, insomnie : voilà l’héritage d’une prophétie mal digérée. Et pour les croyant·e·s, la blessure est plus profonde. Quitter une foi apocalyptique, c’est comme sortir d’un parti politique autoritaire : on garde les stigmates de la discipline, les angoisses de la rupture et l’impression d’avoir été manipulé·e. Le traumatisme religieux ne se dissout pas avec un simple scroll vers le bas.

On pourrait rire de ces vidéos comme d’une farce potache, un sketch de fin de soirée. Mais la frontière entre humour et foi sincère s’efface à grande vitesse. Derrière la blague « Oups, j’ai raté l’Ascension express », certain·e·s vendent leurs biens, quittent leur emploi, rompent avec leurs proches. Et là, le rire devient amer. Quand la satire nourrit la psychose, il ne reste plus qu’une comédie grinçante dont personne ne sort indemne.

Alors, posons la question : quelle responsabilité pour celles et ceux qui orchestrent ce cirque numérique ? Les influenceurs et influenceuses, qui enrobent leurs prophéties d’un vernis humoristique, savent pertinemment que leur public n’est pas homogène. Iels jouent avec des esprits fragiles comme on manipule un électorat indécis : promesses, émotions, peur du vide. Les plateformes, elles, se réfugient dans la neutralité, comme un gouvernement qui nie l’évidence tout en récoltant les dividendes de la panique.

Ce qui m’amuse, c’est la permanence de cette fascination collective. Depuis l’Apocalypse selon saint Jean jusqu’aux films catastrophe de Roland Emmerich, nous avons toujours eu besoin de nous inventer une fin pour donner un sens à notre présent. Mais aujourd’hui, la prophétie s’est faite tweetable, monétisable, exportable. L’angoisse s’achète en forfait illimité, et le citoyen numérique se rassure en croyant que la fin du monde lui offrira enfin un peu de spectacle gratuit.

Moi, je regarde ce théâtre avec une ironie résignée. Parce qu’au fond, croire à la fin du monde, c’est refuser de s’occuper du nôtre. Et si #RaptureTok nous apprend quelque chose, c’est peut-être que l’humanité préfère toujours une prophétie tape-à-l’œil à un effort collectif discret. « Rendez-vous demain pour l’Apocalypse », disent-ils. Très bien. Mais après-demain, il faudra encore payer le loyer.


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