Les petits billets de Letizia

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Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

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La Laïcité De L’enseignement

La Laïcité De L’enseignement

Une Lumière Au Service De L’esprit

Ma Méditation Sur L’école Comme Lieu D’émancipation

Je me surprends souvent à méditer sur l’école, sur ce qu’elle est devenue et sur ce qu’elle devrait incarner. Je ne parle pas ici d’une nostalgie figée, mais d’une expérience vécue et réfléchie. J’ai grandi dans une société où l’école laïque promettait d’être ce lieu d’émancipation où chaque enfant, chaque adolescent·e pouvait rencontrer la puissance du savoir. Pourtant, je ressens aujourd’hui une tension entre cet idéal et la réalité d’une institution parfois prisonnière de logiques administratives ou moralisatrices. J’ai la conviction que « enseigner n’est pas répéter, mais redécouvrir ». C’est là le premier paradoxe de notre temps : nous exigeons des professeur·e·s qu’ils transmettent des programmes standardisés tout en espérant d’eux un souffle vivant, une pédagogie qui ouvre, qui questionne, qui donne du sens.

L’enseignement véritable n’est pas une simple succession de contenus. Il est une expérience partagée où l’élève et l’enseignant·e avancent ensemble vers un savoir en devenir. Des pédagogues comme Philippe Meirieu l’ont montré : la connaissance se construit dans un dialogue qui engage à la fois la raison et l’émotion. Ce n’est qu’à cette condition que la laïcité prend toute sa force. Car la laïcité n’est pas un simple dispositif juridique, elle est une méthode intellectuelle : « séparer les croyances des savoirs ». Elle ne nie pas la diversité des convictions, mais elle protège le lieu de l’école contre les intrusions du dogme, même lorsqu’il se pare des couleurs républicaines. C’est une exigence, non un confort.

Dans cette perspective, l’école ne devrait pas prêcher une morale – fût-elle civique ou républicaine – mais donner à chacun·e les moyens de penser par soi-même. Jules Ferry lui-même affirmait que l’instruction morale devait rester distincte de l’instruction religieuse ou idéologique. La neutralité est une condition de l’émancipation intellectuelle. « Le savoir n’est pas un sermon », il est une ouverture à l’universel. Ce principe, je le défends avec d’autant plus de fermeté que je me situe dans une posture antithéiste : ce n’est pas à l’école d’inculquer des croyances mais d’offrir des outils de raison critique.

Pourtant, je vois chaque jour les difficultés des professeur·e·s qui, passionné·e·s et compétent·e·s, peinent à se reconnecter aux commencements du savoir. La maîtrise savante ne suffit pas : encore faut-il savoir la traduire pour des esprits en formation. Il y a là un enjeu de formation initiale et continue trop souvent négligé. L’UNESCO souligne l’importance de préparer les enseignant·e·s à l’accompagnement réflexif. La philosophie, bien loin d’être un luxe terminal réservé aux classes de terminale, devrait irriguer toutes les disciplines. Elle offre ce recul, ce questionnement, cette capacité à interroger le « pourquoi » derrière le « comment ». « Réfléchir, c’est déjà résister », écrivait Étienne Balibar.

De la même manière, apprendre n’est pas mémoriser mécaniquement. Comprendre, c’est relier, c’est faire sens. Edgar Morin l’a rappelé : une accumulation d’informations sans lien devient vite stérile. La laïcité, ici encore, sert de fil conducteur : elle refuse les vérités imposées et invite à la construction autonome du jugement. C’est en cela qu’elle est une lumière pour l’esprit, et non un simple cadre administratif.

Enfin, je ne peux oublier la résistance des professeur·e·s de philosophie face aux réformes du lycée. Leur mobilisation, discrète mais constante, rappelle que l’école n’est pas un instrument économique mais un lieu de formation de l’esprit critique. Les réformes doivent être repensées à l’aune de cette exigence : au lieu d’affaiblir la réflexion, elles devraient la renforcer. C’est à cette condition que nous pourrons maintenir vivante l’idée d’une école véritablement laïque et savante.

Je crois profondément que l’avenir de l’école dépendra de notre capacité collective à faire de la laïcité non une incantation, mais une pratique quotidienne. C’est ainsi, et seulement ainsi, que nous rendrons à l’acte d’enseigner sa dimension la plus noble : celle d’une rencontre libre, exigeante et éclairante entre des esprits qui cherchent.

Références principales

— Philippe Meirieu, Pédagogie : Le Devoir De Résister, 2007

— Charte De La Laïcité À L’école, Ministère De L’éducation Nationale, 2013

— UNESCO, Rapport Sur L’éducation, 2022

— Étienne Balibar, La Crainte Des Masses, 2016


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