Les petits billets de Letizia

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Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

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Le Bon Patron Pour Les Nuls

Le Bon Patron Pour Les Nuls

Entre Modernité Managériale Et Héritage Culturel

Pourquoi la figure du patron reste prisonnière d’un héritage péjoratif, malgré les efforts de réinvention managériale.

J’ai grandi dans un pays où le mot « patron » sonnait presque comme une insulte. Dans la bouche des anciens, il évoquait l’exploitation, les licenciements brutaux, la morgue des puissants. Et pourtant, ce même mot est censé incarner aujourd’hui celleux qui portent des projets, créent des emplois, animent des équipes. On tente de l’effacer en le remplaçant par « chef d’entreprise », « entrepreneur », ou plus récemment « CEO ». Mais un vernis lexical ne suffit pas à masquer les inégalités béantes.

Les chiffres sont implacables : dans certaines grandes entreprises françaises, un dirigeant peut gagner en un jour ce qu’un·e salarié·e touche en un an. Ce décalage n’est pas seulement indécent ; il est corrosif. Il mine la confiance, il délégitime la parole managériale, il nourrit une colère sourde. On nous parle de « méritocratie », mais quel mérite justifie qu’un PDG empoche cent fois le salaire médian ? Tant que cette fracture persistera, le discours sur le management bienveillant sentira la poudre aux yeux.

Car oui, on nous vend des concepts séduisants : « management bienveillant », « entreprise libérée », « gouvernance partagée ». Derrière ces mots, il y a parfois des expériences authentiques, où la confiance et l’autonomie redonnent sens au travail. Mais il y a aussi un risque : celui de transformer la bienveillance en gadget marketing, un slogan sans substance, alors que les pratiques salariales continuent d’accroître la distance entre dirigeant·e·s et employé·e·s. Quand une usine adopte l’« autonomie », mais ferme du jour au lendemain pour des raisons financières opaques, qui ose encore parler de confiance ?

Je suis indignée par ce double discours. On exige de nous loyauté, performance, engagement total. Mais en retour ? Trop souvent, mépris, contrats précaires, pressions silencieuses. Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales a récemment montré à quel point le management français est en retard sur ses voisins européens : manque de reconnaissance, de formation, de dialogue. Ce n’est pas une simple faiblesse organisationnelle ; c’est un problème de santé publique. Quand la souffrance au travail se généralise, ce ne sont pas que des chiffres qui s’effondrent, ce sont des vies.

Alors oui, il existe des patron·ne·s exemplaires. Celles et ceux qui choisissent de plafonner leurs rémunérations, d’investir dans la formation, de pratiquer une gouvernance réellement transparente. Celles et ceux qui considèrent leurs équipes non comme des ressources, mais comme des partenaires. Ce sont ces personnes qui redonnent un sens noble au mot « patron ».

Mais qu’on ne s’y trompe pas : la réhabilitation de cette figure passe d’abord par des actes. Réduire les écarts salariaux. Former sérieusement les managers. Instaurer une transparence radicale. Intégrer la responsabilité sociale au cœur de chaque décision. Voilà ce qui distingue la rhétorique creuse de l’engagement véritable. Le reste n’est que poudre aux yeux.

Un « bon patron » n’est pas celui qui se drape de titres anglicisés ou de promesses creuses. C’est celui ou celle qui accepte de partager le pouvoir, d’incarner l’équité, de tenir parole. Et tant que cette exigence ne sera pas remplie, je continuerai à penser que le mot « patron » n’a pas fini de nous brûler les lèvres.


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