Trouver L’équilibre Entre Cadre, Parole Et Exemplarité
Ma Réflexion Inspirée Par Ma Nièce Fictive
Imaginons : je n’ai pas d’enfant, mais j’ai une nièce. Elle a six ans, un âge où chaque mot, chaque geste devient un miroir. Quand je la regarde vivre, je suis à la fois émerveillée et inquiète. Émerveillée par son intelligence vive, sa curiosité sans fin. Inquiète parce que je mesure à quel point le monde autour d’elle impose déjà ses normes, ses pressions, ses contradictions. L’autorité parentale, telle que je la vois exercée par ma sœur et son compagnon, ressemble à un funambulisme permanent.
On demande aux parents d’être bienveillant·e·s, mais aussi fermes, disponibles mais aussi performants au travail, exemplaires mais aussi humains. Une injonction impossible. L’autorité parentale a été redéfinie depuis la loi de 1970 : on ne parle plus de « puissance paternelle », mais d’une autorité partagée qui vise l’intérêt de l’enfant. Une avancée majeure, certes. Mais dans le quotidien, cette autorité ressemble souvent à un combat invisible. J’observe ma sœur poser des limites, expliquer, répéter, parfois céder par fatigue. Et je me demande : est-ce vraiment un manque d’autorité, ou bien une société qui refuse de soutenir celleux qui éduquent ?
La délégation éducative est flagrante. L’école transmet son cadre, les écrans ses modèles, les camarades leurs codes. Ma nièce rentre parfois avec des expressions qu’elle n’a pas apprises à la maison. Sa mère corrige, explique, nuance. Mais cette vigilance constante épuise. Les parents ne sont plus les seul·e·s architectes de l’éducation : ils·elles doivent jongler avec des institutions qui imposent leurs propres règles. L’autorité se fragilise quand elle doit se négocier en permanence entre maison, école et société.
Et pourtant, le secret de l’autorité tient moins dans la force que dans l’exemplarité. Je le vois dans ces moments simples : quand ma sœur lui parle avec douceur même après une journée exténuante, quand elle prend le temps d’expliquer le « pourquoi » d’une règle. Les enfants ne se contentent pas d’écouter : ils observent. Ils épient nos failles, nos contradictions. Si nous prônons la politesse sans la pratiquer, si nous parlons de respect tout en coupant la parole, l’autorité se désagrège. C’est ici que le langage devient un outil de construction : poser une limite claire, avec des mots précis et non blessants, est un acte d’éducation plus puissant qu’aucune punition.
Reste le défi écrasant du temps. Je vois ma sœur courir d’un rendez-vous professionnel à un trajet d’école, avec la culpabilité comme compagne. Comment être présente quand tout conspire à nous fragmenter ? Comment maintenir une autorité sereine quand la fatigue ronge la patience ? On nous répète que les parents manquent d’autorité. Mais non : ce sont nos rythmes de vie, notre système, qui sabotent leur capacité à l’exercer.
Je refuse de croire qu’il s’agit d’une fatalité. Je suis indignée par cette hypocrisie sociale : nous glorifions la parentalité, mais nous refusons de créer les conditions pour qu’elle s’exerce dignement. L’autorité n’est pas une question de sévérité perdue, mais de cohérence, de temps partagé, d’un cadre social qui respecte celleux qui éduquent. Ma nièce me le rappelle chaque jour : les enfants n’ont pas besoin de parents parfaits, mais d’adultes disponibles, justes et cohérents. Ce que nous devons revendiquer, c’est un monde qui leur permette d’exercer cette mission sans s’y épuiser.
Références principales
— Service-public, « Exercice de l’autorité parentale », mise à jour 2024.
— INED, « Les transformations des familles en France », 2023.
— Rapport du Sénat, « École, co-éducation et autorité bienveillante », mars 2024.
— Le Monde, entretien avec Romain Delès, avril 2025.







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