Les petits billets de Letizia

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Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

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Le Grand Écart Républicain

Le Grand Écart Républicain

Entre Gaullisme et Tentation de l’Extrême

Comment La Droite Française Danse Avec Ses Démons

Je vais vous faire une confession : quand j’étais petite, je croyais naïvement que la politique se résumait à de nobles idéaux, des discours grandiloquents, des femmes et des hommes prêts à sacrifier leur confort pour servir la République. Quelle douce illusion. Aujourd’hui, en contemplant la droite française, j’ai l’impression d’assister à un bal costumé où tout le monde a troqué l’habit gaulliste contre une veste aux couleurs criardes de l’extrême droite. Et le pire, c’est que la musique a l’air de plaire.

On me dira que ce n’est qu’une stratégie électorale, une simple manœuvre pour séduire un électorat égaré. Vraiment ? Quand Éric Ciotti explique qu’il faut « unir les droites », il ne lit pas un conte de Perrault : il trace un trait d’union direct avec Marine Le Pen. Quand François-Xavier Bellamy s’épanche sur l’identité nationale avec des trémolos dans la voix, il ne récite pas Chateaubriand : il surfe sur la vague brune de la peur et du repli. Je veux bien croire à la stratégie, « mais il y a des mariages de raison qui finissent en noces funèbres ».

Pendant ce temps, les idées d’extrême droite se sont banalisées à une vitesse fulgurante. Jadis reléguées aux marges, elles occupent désormais le cœur du débat public comme si elles étaient du bon sens incarné. On nous ressert matin, midi et soir le plat indigeste de l’« insécurité galopante » et du « grand remplacement », comme on sert un vieux cassoulet réchauffé : lourd, gras, mais apparemment nourrissant pour les parts d’audience. Les chaînes d’info en continu, devenues de véritables cantines idéologiques, n’y sont pas pour rien. On dirait que Vincent Bolloré a troqué sa casquette d’industriel breton pour celle de chef d’orchestre d’une symphonie identitaire.

Et le gaullisme dans tout ça ? On me souffle qu’il est bien vivant, qu’il palpite encore dans quelques discours poussiéreux. Permettez-moi d’en rire. De Gaulle, lui, refusait les alliances avec l’extrême droite, plaçait la République au-dessus des querelles partisanes, croyait en une France rassemblée plutôt qu’en une France fracturée. Aujourd’hui, ses héritier·e·s politiques se disputent pour savoir qui imitera le mieux le discours du RN. Le général doit faire des loopings dans sa tombe.

On pourrait croire qu’Emmanuel Macron incarne le dernier rempart face à cette dérive. Illusion encore. Le macronisme, dans son obsession de gouverner au centre tout en chassant sur les terres de droite, a repris à son compte une partie du vocabulaire sécuritaire et migratoire. Résultat : les frontières idéologiques s’estompent, les repères s’effondrent, et la République devient un terrain vague où chacun·e campe avec ses slogans.

Je ne peux m’empêcher de voir dans ce glissement un danger mortel pour notre démocratie. Quand tout l’espace politique se déporte vers la droite dure, que reste-t-il ? Une gauche divisée, inaudible, réduite au rôle de figurante. Un centre qui s’évapore dans ses propres contradictions. Et une extrême droite qui n’a même plus besoin de se radicaliser : ses idées circulent déjà en liberté, comme des chiens errants lâchés sur la place publique.

Alors, que feront les électeurs et électrices de la droite traditionnelle ? Certain·e·s fuiront, nostalgiques d’un gaullisme disparu. D’autres suivront le cortège, convaincu·e·s que l’extrême droite d’aujourd’hui a troqué ses bottes pour des mocassins cirés. Le problème, c’est que derrière la nouvelle vitrine bien polie, les vieilles rancunes, les obsessions identitaires et les fantasmes sécuritaires n’ont pas changé.

Je conclus en souriant amèrement : la droite française joue avec le feu, et elle feint de ne pas sentir l’odeur de brûlé. À force de flirter avec ses démons, elle finira par les épouser. Et croyez-moi, le divorce avec la République, lui, sera définitif.

Références principales

  • Le Monde, 23 mars 2024 : « Les Républicains, pris en étau entre le RN et la majorité »
  • Le Monde, 31 août 2024 : « Éric Ciotti veut transformer LR en union des droites »
  • Fondation Jean-Jaurès, rapport 2023 : « La banalisation des idées d’extrême droite »
  • France Culture, série documentaire 2023 : « La République face à l’extrême droite »

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