Le Remaniement Qui Promet La Révolution… Et Sers Le Réchauffé
Une Continuation En Costume De Rupture
J’ai lu, relu, et presque encadré le communiqué officiel annonçant la composition du nouveau gouvernement Lecornu. Dix-huit ministres, paraît-il, choisis pour incarner « le souffle du renouveau ». Le seul souffle que j’y ai senti, c’est celui d’un courant d’air… celui qu’on perçoit quand on ouvre la même fenêtre pour la cinquième fois. On nous avait promis un virage. Ce fut un rond-point.
Dans ce gouvernement, on retrouve une belle brochette d’habitué·e·s. Les visages changent à la marge, mais les prénoms, eux, sonnent comme des refrains. Lescure, Le Maire, Bergé – autant de têtes d’affiche déjà vues sur l’affiche du film précédent. Et comme souvent au cinéma politique, le scénario sent le déjà-vu, le budget est serré, et la mise en scène se veut « rupture », mais sans jamais oser casser le moule. D’aucuns y verront de la continuité prudente. Moi, j’y vois un recyclage haute-couture : on ne jette rien, on repasse tout.
Le Premier ministre, Sébastien Lecornu, s’était pourtant avancé avec la fougue d’un metteur en scène de la Ve République. Il annonçait une « nouvelle méthode ». Il a trouvé, semble-t-il, la plus ancienne : recycler le casting. Douze ministres reconduits sur dix-huit, c’est une belle performance pour un remaniement censé rompre avec les pratiques du passé. Ce n’est plus une rupture, c’est une relecture. Comme un vieux disque vinyle qu’on repeint en bleu pour faire croire à une édition limitée.
Les réactions ne se sont pas fait attendre. À gauche, on parle de « cortège de revenant·e·s » ; à droite, on s’interroge sur « l’absence de souffle ». Même au centre, certains froncent les sourcils – ce qui, chez eux, équivaut presque à une révolte. Dans les couloirs de l’Assemblée, on murmure que le gouvernement Lecornu ressemble à un musée des ministres disparus : on y croise les mêmes figures qu’avant, simplement déplacées d’une salle à l’autre. Le ministère de la Culture aurait presque pu sponsoriser l’exposition.
Mais l’art de la politique, c’est aussi celui de la communication. Et là, Lecornu ne s’est pas trompé : confier le porte-parolat à Aurore Bergé, c’est un coup de génie… ou de désespoir. Une voix connue, rompue à l’art des plateaux télé, capable de transformer n’importe quel incident en « message positif ». Le problème, c’est que trop de communication tue le contenu. Quand la parole devient stratégie, le message devient brouillard. Et la parole gouvernementale, dans ce contexte, ressemble furieusement à une publicité pour un produit qu’on ne fabrique plus.
Reste la question de fond : que vaut la promesse de rupture quand l’équipe ne change pas ? Peut-on parler de renouveau quand le décor, les acteurs et le texte demeurent identiques ? À l’échelle d’un électorat déjà désabusé, la réponse est évidente : le « renouvellement » est devenu un mot creux, une antienne commode, un gadget rhétorique. On repeint la façade pour masquer les fissures, on rebaptise les couloirs, mais les fondations demeurent celles d’hier.
Au fond, le remaniement Lecornu, c’est un peu comme un banquet de l’ancien monde où l’on aurait changé la nappe pour faire croire à un nouveau menu. On appelle cela la « rupture », mais c’est surtout de la continuité bien repassée. Et à ce jeu-là, la République se transforme lentement en théâtre de boulevard : tout le monde revient au dernier acte, même les personnages censés être morts politiquement.
Je referme donc ce chapitre avec un sourire amer. Car la France, éternelle amoureuse de ses illusions, semble prête à applaudir encore une fois la même pièce, en espérant qu’un jour, quelqu’un osera vraiment réécrire le texte.







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