Les petits billets de Letizia

Un blog pour donner à réfléchir, pas pour influencer… #SalesConnes #NousToutes


Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

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Chronique D’une Virilité En Déroute

Chronique D’une Virilité En Déroute

Quand La Haine Devient Un Jeu

Ces Jeunes Hommes Qui Confondent Courage Et Harcèlement

Il paraît qu’en Pologne, on a trouvé un nouveau sport national : traquer les femmes dans la rue au nom de la morale vestimentaire. On appelle cela le « Szon Patrol », littéralement la patrouille des salopes – car, évidemment, quand on ne sait plus comment séduire, on contrôle. Des adolescents en gilet fluorescent, smartphones à la main, convaincus qu’ils défendent la civilisation contre le crop-top. Une croisade du ridicule, mais qui fait des ravages bien réels.

Je les imagine, ces petits soldats du patriarcat 2.0, défilant comme des candidats recalés de téléréalité, persuadés d’être les gardiens de la vertu. Ils filment, ils jugent, ils humilient – le tout en ligne, bien sûr, car la virilité moderne ne s’affirme plus à l’épée mais à l’algorithme. C’est que le courage, aujourd’hui, se mesure en vues TikTok. Et les « likes » sont devenus les médailles d’honneur d’une guerre imaginaire contre le féminisme.

« Les femmes sont provocantes », disent-ils, la main tremblante sur le smartphone. On croirait entendre les sermons du XIXe siècle remixés par un influenceur de seconde zone. Derrière la pseudo-plaisanterie, un mal bien réel : la peur. Peur des femmes libres, peur de l’égalité, peur de n’être plus nécessaires. Ces jeunes hommes qui ricanent dans les rues de Varsovie sont les symptomatiques héritiers d’une virilité en panne de sens, ces orphelins du patriarcat que personne n’a prévenus que le monde avait changé.

Car le vrai danger, ce n’est pas la jupe trop courte. C’est l’ennui, la frustration, l’absence d’éducation affective. Dans un pays où les cours d’éducation sexuelle sont parfois considérés comme une menace politique, on préfère laisser TikTok jouer le rôle du professeur. Résultat : des garçons qui prennent des femmes pour des adversaires, et des adolescentes qui, pour éviter d’être filmées, apprennent à se fondre dans le décor. Voilà comment la peur devient habitude, et la honte, réflexe de survie.

« Ce n’est qu’une blague », protestent certains. Comme si l’humiliation publique avait des vertus pédagogiques. Cette rhétorique du « c’était pour rire » est la version numérique du vieux « elle l’a bien cherché ». Le même refrain, avec une bande-son virale. Et pendant que les réseaux engrangent des millions de vues, les autorités se contentent d’appels à la modération. En Pologne, l’Ombudsman pour les droits de l’enfant a beau tirer la sonnette d’alarme, les plateformes préfèrent, comme toujours, laisser le scandale fructifier avant d’y toucher.

Mais soyons justes : ces patrouilles n’ont pas inventé la misogynie, elles la recyclent en divertissement. Elles sont l’expression grotesque d’une masculinité déboussolée, une sorte de théâtre d’ombres où les hommes jouent à se faire peur. Les pires farces sont souvent les plus révélatrices : derrière le rire, l’angoisse. Derrière l’arrogance, la fragilité. Et derrière le gilet fluorescent, une solitude qu’aucun like ne comble.

Il ne s’agit pas seulement de punir ces comportements – encore faut-il les comprendre pour mieux les désamorcer. Tant que nos institutions, nos écoles et nos familles délègueront à Internet la tâche d’expliquer le respect, nous fabriquerons d’autres « patrouilles », ailleurs, sous d’autres noms. Car la haine n’a pas besoin de frontières pour se propager, seulement d’un signal Wi-Fi et d’une bonne dose d’indifférence collective.

Alors oui, moquons-les, ces chevaliers de pacotille. Rions de leurs gilets et de leurs certitudes. Mais ne rions pas trop fort, car ce qu’ils annoncent, c’est un monde où la peur et la bêtise marchent main dans la main – et filment en 4 K.


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