Les petits billets de Letizia

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Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

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Études Supérieures : Le Faux Procès Qui Pénalise La Jeunesse

Études Supérieures : Le Faux Procès Qui Pénalise La Jeunesse

Quand La Société Confond Savoir Et Lenteur

Pourquoi Raccourcir Les Études Serait Un Suicide Collectif

Je suis de celleux qui ont passé de longues années sur les bancs d’amphi. J’ai connu les cafés froids à l’aube, les copies qu’on rend sans certitude et les diplômes qui se gagnent à la sueur du front et de l’esprit. Et pourtant, aujourd’hui, j’entends qu’on ferait mieux d’en finir plus vite avec tout ça. Que les jeunes « traînent » à l’université, qu’ils « s’attardent » au lieu de travailler. Quelle ironie ! Ce discours sent la poussière, mais il revient avec la régularité d’une rengaine rétrograde.

Car les chiffres, eux, sont têtus. L’âge moyen de fin d’études n’a pratiquement pas bougé depuis les années 1970, parfois il diminue. Les données officielles de la DARES et de l’INSEE le montrent clairement : la France ne s’enlise pas dans des études éternelles. Ce qui a changé, c’est la massification. Plus d’étudiant·e·s, plus de bacheliers, plus de femmes et de jeunes issu·e·s de milieux modestes dans l’enseignement supérieur. Autrement dit, plus d’égalité. Mais pour certain·e·s, cette ouverture dérange : elle bouscule les hiérarchies sociales et les mythes de la réussite rapide.

On parle d’« inflation des diplômes » comme d’un mal moderne. Comme si apprendre davantage affaiblissait la valeur du savoir ! Oui, le marché du travail peine à absorber tous les diplômé·e·s. Oui, certains emplois qualifiés se raréfient. Mais faut-il pour autant conclure que les études ne valent plus rien ? N’est-ce pas plutôt le marché du travail qui, sous la pression de la précarité et du court-termisme, s’est déconnecté de la formation ? Le problème n’est pas l’éducation : c’est l’économie de l’immédiat.

J’entends aussi cette ritournelle idéologique : « Les jeunes doivent travailler plus tôt, fonder une famille, participer à l’économie ». On rêve d’un âge d’or fantasmé où chacun·e aurait commencé à quinze ans à gagner sa vie et à bâtir son avenir. Cet argument est d’une cruauté tranquille : il voudrait que la jeunesse renonce à penser pour produire plus vite. Derrière cette logique, se cache la nostalgie d’un monde figé, patriarcal, où l’instruction dérangeait parce qu’elle émancipait.

Réduire la durée des études pour « stimuler la natalité » ou « accélérer la croissance » ? Quel contresens. L’économie de demain repose sur le capital humain, sur la créativité, la recherche, la culture scientifique. C’est en cultivant les esprits qu’on alimente l’innovation, pas en fermant les livres plus tôt. Raccourcir les études, ce serait scier la branche de la connaissance sur laquelle repose notre société. Un suicide collectif, froidement administré au nom d’un pragmatisme mal compris.

L’université n’est pas un parking pour âmes indécises : c’est un moteur. Un lieu de transformation. Elle doit certes s’adapter – rendre ses cursus plus flexibles, ses liens avec les entreprises plus forts, sa pédagogie plus inclusive – mais sans renoncer à sa mission : former des citoyen·ne·s libres, critiques, capables de comprendre le monde avant de le transformer.

Alors non, les études ne sont pas trop longues. Ce sont nos horizons qui sont devenus trop courts. Tant qu’on continuera à juger la jeunesse au chronomètre, on passera à côté de l’essentiel : la construction d’un avenir éclairé. Et cela, aucune réforme expéditive ne saura réparer.

Références Principales

INSEE, Scolarisation des jeunes de 18 à 29 ans, 2025

DARES, Âge de sortie des études et débuts de carrière, 1er mars 2024

Céreq, Enquête Génération et analyses d’insertion professionnelle, 2024

Le Monde, Inflation des diplômes et déclassement social, 8 mai 2025


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