Entre Révolte Verte Et Dogme Gris
Pour Une Écologie De L’Émancipation, Pas De La Soumission
Je suis fatiguée de voir l’écologie transformée en catéchisme. Fatiguée d’entendre que protéger la nature exige de se prosterner devant elle. L’écologie n’est pas une religion. C’est une responsabilité. Et quand elle devient idéologie, elle se vide de sa substance humaine. « Le simple fait de respirer serait une option », dis-je souvent avec ironie.
On nous dit que l’écologie politique serait progressiste. Qu’elle libérerait nos esprits et nos sociétés. Et pourtant, derrière certains discours verts, je vois poindre une nostalgie du passé, une peur du progrès, une vénération du « naturel » comme si l’humain n’en faisait pas partie. Cette écologie-là, figée et moralisatrice ne me plait pas. Elle n’émancipe pas. Elle enferme. Elle juge. Elle punit.
La critique du progrès scientifique n’est pas en soi réactionnaire. Elle devient conservatrice lorsqu’elle s’érige en refus du monde tel qu’il est. L’écologie politique française s’y débat depuis qu’elle existe : entre l’appel à la justice sociale et la tentation du retour à une pureté perdue. Ce tiraillement la paralyse. Elle veut sauver le futur tout en ressuscitant un passé fantasmé.
Je le dis sans détour : la nature n’a pas besoin qu’on la sacralise. Elle n’est pas un temple, mais un organisme vivant, mouvant, parfois violent, souvent imprévisible. La figer, c’est la trahir. C’est en la comprenant comme un allié changeant, un partenaire complexe, que nous pourrons vraiment avancer. La nature ne réclame pas notre soumission, elle exige notre lucidité.
Le localisme, lui aussi, a été kidnappé. Dans sa version émancipatrice, il recrée du lien, réinvente l’économie à échelle humaine, redonne du pouvoir aux territoires. Dans sa version pervertie, il se transforme en rempart identitaire. En slogan d’enfermement. En écho du « chez nous, pas chez eux ». Le pire ennemi de l’écologie, c’est le repli. La défense du pré carré sous couvert de vert.
Certain·e·s brandissent aujourd’hui le spectre de l’écofascisme. Et ils n’ont pas tout à fait tort. Quand la peur écologique se marie à la tentation autoritaire, le danger est réel. Quand on parle de limiter les naissances, d’exclure au nom de la planète, on ne protège plus rien : on reproduit les violences qu’on prétend combattre. Comme l’écrit Stéphane François : « Le localisme peut être instrumentalisé, c’est pourquoi il faut en examiner non seulement les formes mais les motifs ».
Mais il existe une autre voie. Celle d’une écologie de l’émancipation, qui ne se contente pas de sauver les arbres mais cherche à sauver les êtres. Une écologie sociale, démocratique, qui fait de la transition un droit, pas une punition. Oui, la planète brûle. Mais l’urgence ne justifie pas le dogme. Il n’y a pas de planète viable sans humanité libre.
J’en appelle à une écologie indocile. Une écologie qui dérange, qui invente, qui refuse la contrainte au nom du bien, et la domination au nom du vrai. Ce n’est pas de la pureté dont nous avons besoin, mais de courage. De justice. D’intelligence collective. Le vert n’est pas une morale, c’est un mouvement. Et s’il doit durer, qu’il respire enfin.
Références principales :
- Denis Pingaud, La Social-Écologie : pour une transition juste, Le Monde, septembre 2024.
- Stéphane François, L’Idéologie Du Localisme, CNRS Éditions, 2023.
- Écofascisme : notion éclairante ou piège idéologique ?, revue Terrestres, mai 2023.
- Les Paradoxes De L’Écologie Politique Française, Le Grand Continent, janvier 2024.







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