Quand La Politique Locale Tourne À La Comédie Humaine
Ou Comment Le Bien Commun Se Fait Dévorer Par L’Ambition
Il est des villages où l’on entend encore les cigales couvrir le bruit des promesses électorales. Là, sous les platanes, on ne débat plus vraiment d’avenir collectif : on négocie des fauteuils, des alliances, des adjoint·e·s à la culture qui détestent les livres. « Servir le bien commun », répètent-iels avec un sourire d’apparat, pendant que les chaises se tirent et se repoussent dans le grand bal des ambitions.
À pulitichella, comme on dit en Corse, c’est la politique en miniature : un théâtre où les acteurs jouent très sérieusement à ne pas l’être. Les coalitions se font et se défont plus vite que des amitiés de lycée. On jure fidélité à son rival de la veille, pourvu que le poste d’adjoint·e soit bien placé sur la photo de groupe. Paul Valéry avait raison : « La politique, c’est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde ».
J’ai vu des listes fusionner sans fusionner, des promesses se contredire avant même d’être imprimées. À force de composer des alliances improbables, nos édiles finissent par ressembler à des chef·fe·s cuisiniers qui mélangent tout ce qu’ils trouvent dans la marmite, espérant que le goût du pouvoir masquera le reste. L’étude la plus récente de l’Observatoire de la démocratie locale montre que 62 % des électeurs et électrices ne comprennent plus « pourquoi » ces fusions existent. J’aimerais leur répondre, mais moi non plus, je ne comprends plus vraiment.
Les débats municipaux, eux, ressemblent à des scènes de boulevard : on y parle d’amour du territoire, de grands projets, mais jamais de l’école du coin qui fuit ou du commerce qui ferme. « La politique locale », dit un sociologue, « c’est souvent un grand silence sur le quotidien ». On applaudit, on rit, puis on rentre chez soi avec la même route défoncée et la même promesse crevée.
Je ne suis pas désintéressée par la politique ; je suis juste fatiguée de la voir se caricaturer elle-même. Fatiguée des discours compassés, des alliances qui sentent la naphtaline et des conférences de presse où tout le monde semble jouer une pièce dont personne n’a lu le texte. Pourtant, au détour d’un village corse, j’ai vu des citoyen·ne·s se rassembler sans couleur politique pour réparer la salle communale. Là, sans slogan, j’ai retrouvé ce que j’appelle le bien commun : ce qu’on fait ensemble, pas ce qu’on promet.
Peut-être que la solution est là, dans cette humilité retrouvée. Dans la transparence, les chartes de fusion, la participation des habitant·e·s avant que les listes ne s’épousent. Steinbeck disait : « Le pouvoir ne corrompt pas, c’est la peur de le perdre qui corrompt ». Peut-être que nos élu·e·s devraient apprendre à perdre un peu, pour que nous retrouvions le goût de croire un peu.
Alors oui, la pulitichella fait rire, souvent jaune. Mais entre deux éclats de rire, je garde un mince espoir : celui de voir la politique redevenir ce qu’elle aurait toujours dû être – une affaire de cœur, pas de calcul. Et peut-être qu’un jour, sous les platanes, on reparlera de routes, d’écoles et de rêves communs.
PS : Transposable à la France entière et au-delà…








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