Quand La Foi Fait Encore Plus De Bruit Que Les Bombes
Le Silence Des Armes N’est Pas La Paix
Le monde retient son souffle. Encore un cessez-le-feu. Encore un de ces silences qui ressemblent à une pause publicitaire entre deux bombardements. On se félicite, on parle d’« apaisement », on proclame que la raison l’a emporté. Mais au fond, rien ne change. Le sang sèche plus vite que la mémoire. La paix ne se signe pas dans la poussière des ruines, elle se bâtit dans les esprits – et là, le terrain est toujours miné.
Je regarde ce conflit et j’entends surtout la voix des dieux qu’on brandit comme des armes. Tant que leurs porte-paroles dicteront la haine au nom du sacré, il n’y aura pas de paix. Seulement des trêves calculées, des respirations cyniques avant le prochain coup. « On fait la paix avec ses ennemis, pas avec ses amis », disait Desmond Tutu. Encore faut-il qu’on accepte d’écouter ses ennemis plutôt que de les effacer.
Les cessez-le-feu entre Israël et le Hamas ne sont pas des promesses de paix. Ce sont des contrats de survie. Ils durent le temps d’un souffle, celui des diplomates qui négocient à huis clos pendant que les familles comptent leurs morts. Ces accords, aussi fragiles qu’un fil tendu entre deux abîmes, reposent sur un équilibre d’intérêts, jamais sur une conviction partagée. Une paix tactique, comme une main tendue qui cache un poing.
Le Hamas n’est pas un interlocuteur, disent certain·e·s. C’est pourtant un acteur, une ombre armée, le miroir brisé d’une population enfermée dans sa propre douleur. Son désarmement paraît aussi réaliste que le renoncement de ceux qui le bombardent. Chaque camp nourrit la guerre qu’il prétend combattre. Les roquettes et les drones ne sont que les symptômes d’une maladie plus ancienne : celle du pouvoir qui se prend pour Dieu.
Les médiations internationales s’empilent comme des dossiers poussiéreux. On y parle de « solutions à deux États », de « cycles de désescalade », de « mécanismes de vérification ». Langue de pierre pour drame de chair. Les puissances se posent en arbitres d’un match qu’elles ont financé, armé, commenté. Pendant ce temps, on échange des vies comme des jetons : deux mille prisonniers et prisonnières palestinien·ne·s contre vingt otages israélien·ne·s. Une balance tragique où chaque visage devient une statistique.
Je crois que la paix n’aura lieu que lorsque la foi cessera d’être une bannière. Quand les dieux descendront de leurs tribunes, peut-être que les femmes et les hommes entendront enfin leur propre voix. « La paix n’est pas l’absence de guerre, mais un état d’esprit », écrivait Spinoza. Un état d’esprit que ni la peur, ni la vengeance, ni les sermons ne peuvent engendrer.
Alors oui, je suis en colère. Contre cette comédie diplomatique qui confond cessez-le-feu et résurrection morale. Contre cette humanité qui s’accoutume à la guerre comme à une météo capricieuse. Tant que nous accepterons que les prophètes dictent la politique, nous marcherons sur des cadavres en récitant des prières.
Il est temps de parler non plus de trêve, mais de transformation. De reconnaître que la paix ne viendra pas d’un miracle, mais d’un sursaut humain. J’aimerais croire qu’un jour, la raison remplacera la révélation, et que les armes se tairont pour de bon. Mais pour l’instant, la foi fait encore plus de bruit que les bombes.







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