Entre foi et fongus, la frontière est plus poreuse qu’un bolet mal cuit.
Et si la spiritualité n’était qu’un effet secondaire bien… ou mal dosé ?
On dit souvent que la foi déplace les montagnes. Apparemment, elle fait aussi pousser des champignons. Depuis qu’un certain philologue du siècle dernier a eu la brillante idée d’associer Jésus-Christ à une amanite hallucinogène, l’humanité semble coincée entre deux révélations : celle du Verbe divin et celle du trip collectif. « Le problème avec les théories folles, c’est qu’elles contiennent parfois un grain de vérité », écrivait Umberto Eco. Et si ce grain était… une spore ?
La scène est plantée : Jérusalem, premier siècle, ambiance mystique et un soupçon de mycélium. Certains avancent que la résurrection spirituelle n’aurait été qu’une digestion lente de champignon sacré. On imagine déjà les apôtres, yeux dans le vague, commentant les nuages comme s’ils y voyaient la Trinité. La philologie, elle, tente de suivre, armée de racines sumériennes et d’étymologies plus hasardeuses qu’un scrutin à deux tours.
Soyons honnêtes : derrière le ridicule apparent se cache une fascination moderne pour le mariage du sacré et du psychédélique. L’époque adore tout ce qui promet une illumination instantanée – surtout si cela évite de lire les Évangiles jusqu’au bout. À défaut d’un miracle, une hallucination fera l’affaire. Et dans un monde où l’on confond souvent spiritualité et marketing personnel, les champignons ont au moins l’avantage d’être bio.
Pourtant, réduire la foi à une réaction chimique, c’est un peu comme réduire la République à un sondage d’opinion : scientifiquement possible, humainement pathétique. Les anciens rites d’Éleusis, les mystères du Soma, les cérémonies orientales : oui, tout cela avait ses breuvages magiques. Mais la transcendance ne se distille pas comme une potion électorale. La quête spirituelle exige un effort, pas une ingestion.
Et que dire des linguistes et exégètes qui veulent trouver dans chaque syllabe du mot « Jésus » la trace d’un champignon ? C’est un peu comme si on décidait que « Assemblée nationale » vient du verbe « s’assembler pour ne rien dire ». La méthode est audacieuse, certes, mais tout comme certaines réformes constitutionnelles, elle repose sur des fondations molles. Traduire le mystère par la chimie, c’est vouloir faire passer la métaphore à la guillotine du réel.
Mais il faut reconnaître une chose : le succès récent des recherches sur la psilocybine et les expériences mystiques qu’elle induit n’est pas étranger à cette renaissance du délire. La science redonne des lettres de noblesse à l’extase chimique ; le capitalisme spirituel en fait une retraite bien-être à 2 000 € la semaine. On plane entre neurosciences et storytelling, entre dévotion et développement personnel. Une gouvernance des âmes sous microdose.
Et si, finalement, toute cette affaire n’était qu’un miroir tendu à notre siècle ? Nous cherchons la révélation, mais sans le silence. Nous voulons la foi, mais sans le doute. Nous rêvons de sens, mais sans l’effort. Dans un monde obsédé par la performance, même la spiritualité doit rendre des comptes. Comme disait Jean d’Ormesson : « La foi, c’est vingt pour cent de dogme et quatre-vingts pour cent de poésie ». Le reste ? Probablement une erreur de dosage.
Alors non, Jésus n’était sans doute pas un champignon. Mais l’idée qu’on puisse encore débattre sérieusement de cette hypothèse montre à quel point notre époque préfère les visions hallucinées à la lucidité. Le mystère reste entier : foi ou fongus ? Qu’importe, pourvu qu’on y croie avec élégance – et modération.
Et vous, votre révélation mystique, vous la trouvez où ? Dans les textes, les tripes ou les truffes ?







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