Les petits billets de Letizia

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Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

Peut-On Protéger La Constitution Sans Brider La Démocratie ?

La République En Sursis

La Démocratie Sous Tension

On nous répète que la Constitution est solide, qu’elle résiste à tout. Quelle naïveté. Une loi, aussi sacrée soit-elle, ne protège pas d’un glissement silencieux. Ce ne sont pas les textes qui cèdent les premiers, mais les consciences. La République ne s’effondre pas d’un coup : elle se désagrège à force d’habitudes et de lâchetés. Aujourd’hui, la menace ne vient pas seulement d’un parti ou d’un programme, mais d’une tentation plus profonde : celle d’instrumentaliser la souveraineté populaire pour enchaîner la liberté.

La proposition de verrouiller la Constitution face aux révisions abusives n’est pas un caprice de juriste. C’est un cri d’alarme. Derrière les promesses de « rétablir l’ordre » ou de « rendre la parole au peuple », se cache une logique de contrôle. On invoque le référendum comme un totem démocratique, mais on oublie qu’il peut devenir un outil de domination. « La liberté commence où l’ignorance finit », écrivait Victor Hugo. Encore faut-il que nous ne soyons pas complices de cette ignorance organisée.

L’article 89 de notre Constitution fixe les règles du jeu : réviser, oui, mais pas pour tout défaire. Ce cadre est une digue, fragile mais nécessaire, face à la déferlante populiste. Certain·e·s prétendent qu’il bride la volonté du peuple ; c’est faux. Il la protège. Car le peuple souverain n’a pas vocation à s’autodétruire. Ce sont les garde-fous démocratiques, du Sénat au Conseil constitutionnel, qui empêchent la majorité d’un jour de piétiner les droits de toutes et de tous. Supprimer ces remparts, c’est ouvrir la voie à l’arbitraire, au nom même de la démocratie.

Ce paradoxe est au cœur du danger : défendre la nation contre elle-même. On nous parle de préférence nationale, de droit du sol à abolir, de hiérarchie entre citoyen·ne·s. Derrière ces slogans, une vieille obsession : classer, exclure, trier. Comme si l’égalité pouvait être à géométrie variable. Comme si l’on pouvait faire tenir la République sur des fondations inégalitaires. En réalité, ces propositions sapent ce qu’elles prétendent défendre : l’identité française, cette identité faite de mélange, de droit et de fraternité.

Regardons ailleurs pour comprendre. En Hongrie, en Pologne, en Turquie, la Constitution a servi de marchepied à l’autoritarisme. D’abord réécrite au nom du peuple, elle est vite devenue l’arme du pouvoir contre le peuple. Les élections ont continué, les urnes se sont remplies, mais le souffle démocratique s’est éteint. Ce qui semblait impensable hier peut devenir banal demain. La France n’est pas à l’abri.

Face à ce risque, je crois en une vigilance active. Défendre la Constitution, ce n’est pas figer l’histoire. C’est empêcher qu’on la falsifie. C’est refuser que la souveraineté devienne un prétexte pour humilier les droits. C’est choisir la responsabilité plutôt que la rage. Car la colère populaire, légitime, peut devenir une arme aveugle entre de mauvaises mains. La démocratie, elle, demande de la lucidité, pas de l’instinct.

Je ne crois pas à une République qui se méfie de son peuple, mais je redoute une République qui cesse de l’éduquer. La démocratie n’est pas un réflexe, c’est un apprentissage. Elle exige du discernement, une mémoire, une conscience. Préserver la Constitution, c’est préserver ce lien fragile entre la liberté et la loi. Et refuser qu’on transforme la voix du peuple en cri de haine.

La République n’est pas un monument : c’est un équilibre. Elle tient debout tant que nous refusons de la trahir. Tant que nous croyons qu’aucune victoire électorale ne vaut l’effacement de nos principes. Ce n’est pas un combat partisan, mais une exigence morale. Si nous cessons d’être les gardien·ne·s de notre propre liberté, d’autres se chargeront d’en redéfinir les limites. Et il sera trop tard pour plaider l’innocence.

(La démocratie n’est pas un héritage, mais une responsabilité à renouveler chaque jour.)

Références :

  1. Débats constitutionnels et démocratie représentative, 2024
  2. Les mutations du droit en Europe face au populisme, 2023
  3. La République menacée : institutions et souveraineté, 2022
  4. Les dérives de la démocratie directe en Europe centrale, 2021

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