Les petits billets de Letizia

Réfléchir À La Manière Dont Nous Éduquons

Comprendre Comment Le Genre Se Construit Dès L’Enfance

L’éducation façonne bien plus que le savoir. Elle modèle les regards, les gestes et les rêves. Dès la petite enfance, chaque mot, chaque jouet, chaque encouragement porte un message implicite sur la manière d’être au monde. Or, ces messages ne sont pas neutres : ils participent à la construction des identités genrées, souvent avant même que l’enfant n’en ait conscience.

D’abord, comprendre ce qu’est une éducation non genrée, c’est reconnaître que les différences biologiques entre filles et garçons existent, mais qu’elles ne devraient pas définir la manière dont chacun·e se perçoit ou agit. Une pédagogie non genrée ne cherche pas à effacer le masculin et le féminin, mais à libérer les individus de la contrainte de devoir s’y conformer. Comme l’écrivait « On ne naît pas femme, on le devient » – Simone de Beauvoir, cette approche propose de laisser à chaque enfant la possibilité de devenir ce qu’il ou elle souhaite, sans assignation préalable.

Ensuite, il convient d’observer comment, dès les premières années, les codes du genre s’imposent dans le quotidien. Les couleurs, les jeux ou les vêtements deviennent des repères qui enferment subtilement : le rose associé à la douceur, le bleu à la force ; les poupées pour les unes, les voitures pour les autres. Ces signes, anodins en apparence, façonnent pourtant des attitudes et des attentes différenciées. En complimentant un garçon sur sa bravoure et une fille sur sa gentillesse, nous reproduisons inconsciemment un modèle où la domination et la soumission se transmettent sous couvert d’affection.

L’école joue ici un rôle essentiel. C’est à la fois un lieu de transmission des savoirs et un laboratoire d’égalité. Si les enseignant·e·s perpétuent involontairement certains biais – par exemple en appelant plus souvent les garçons pour répondre ou en orientant différemment les encouragements –, ces habitudes peuvent être transformées. Des pédagogies coopératives, valorisant l’écoute, le respect et la créativité, montrent qu’il est possible d’apprendre autrement. Plusieurs recherches menées en France et en Suède soulignent que les enfants éduqué·e·s dans des environnements non genrés développent davantage d’empathie, de confiance en soi et de curiosité envers autrui.

Par conséquent, la formation des adultes est primordiale. Une éducation égalitaire ne peut exister sans une prise de conscience collective. Enseignant·e·s, parents, éducateurs et éducatrices : chacun·e doit apprendre à identifier ses propres stéréotypes pour mieux les dépasser. Cette démarche demande de la patience, car elle remet en question des schémas profondément ancrés. Mais c’est une condition essentielle pour bâtir une société plus équilibrée.

Penser l’éducation sous cet angle, c’est aussi repenser notre rapport à la relation humaine. Sortir du modèle patriarcal ne signifie pas renverser les rôles, mais retrouver un juste équilibre. Une éducation non genrée participe d’une écologie des liens humains : elle cultive la bienveillance, la réciprocité et la reconnaissance mutuelle. En cela, elle rejoint une vision plus large d’une société apaisée, où chacun·e peut exister sans devoir prouver sa conformité à un rôle.

Enfin, il faut rappeler que le changement ne se décrète pas : il s’incarne. Chaque geste éducatif – un mot, une écoute, un encouragement – devient un acte politique du quotidien. En choisissant de laisser les enfants explorer librement leurs émotions et leurs talents, nous leur apprenons à se connaître avant de se comparer. C’est une révolution douce, mais décisive.

En somme, éduquer sans assigner, c’est permettre à l’enfance de rester un espace d’expérimentation et de liberté. L’égalité réelle ne se décrète pas dans les lois : elle se construit dans les gestes, les regards et les mots. Et si l’avenir de l’égalité commençait tout simplement dans les mains qui éduquent ?

Références principales :

1. OCDE – Gender Stereotypes In Éducation, 2022.
2. France Stratégie – Rapport sur l’égalité filles-garçons, 2025.
3. UNESCO – Éducation And Gender Equality Guidelines, 2023.
4. INED – Études sur la socialisation genrée en France, 2024.