Les petits billets de Letizia

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Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

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Le French Kiss : Entre Mythe, Langue Et Lèvres Canadiennes

Le French Kiss : Entre Mythe, Langue Et Lèvres Canadiennes

Quand Le Froid Rencontre La Fièvre

Une Histoire De Baiser, De Mots Et De Météo Sentimentale

Je me souviens de ce matin-là à Montréal, où le vent jouait du xylophone sur les glaçons des trottoirs.

(Le thermomètre flirtait avec le désespoir.)

J’avais la bouche engourdie, les joues peintes d’un rouge de framboise givrée, et lui… il avait cet accent québécois qui réchauffe plus qu’un feu de bois. Il m’a dit : « Tu veux que j’te montre comment on embrasse au Canada ? » Et moi, toute fière de mon passeport tricolore, j’ai rétorqué : « Seulement si tu promets de ne pas appeler ça un French kiss ! »

Ah, ce mot ! Ce malentendu délicieux ! Né, paraît-il, dans l’imagination fleurie des Anglais des années 1920, fascinés par notre réputation de libertin·e·s aux lèvres éloquentes. Ils ont baptisé « French » tout ce qui leur semblait un peu trop audacieux, comme si Paris distribuait des licences de passion dans les ruelles de Montmartre. Ironie suprême : ce baiser « français » n’a pas été nommé par nous, mais par ceux qui rêvaient de l’être.

(La mondialisation, parfois, commence par un battement de cils et finit par une étymologie.)

Et dire que nous avons mis presque un siècle à inventer notre propre verbe ! « Galocher », entré officiellement dans le dictionnaire en 2014, comme un adolescent timide qui ose enfin se présenter à la cour de récréation. Avant cela, on « roulait des patins », on « faisait des galoches », on « pelletait » avec passion et maladresse.

Ces expressions-là sentent la jeunesse, la buée sur les vitres et les chewing-gums à la fraise. Ma grand-mère aurait rougi d’entendre ça ; moi, j’en ris doucement : la langue aussi a ses pudeurs, et parfois, elle apprend à se délier comme une bouche un peu trop sage.

Parce qu’au fond, le « French kiss » n’est pas qu’un geste : c’est un poème charnel, un alphabet muet où les voyelles deviennent des souffles. Paris s’y est construit une légende : ville des amours éternelles, capitale du soupir bien placé et du lampadaire confident.

(Même les pigeons, ici, semblent se bécoter par vocation.)

Ce baiser est devenu une exportation culturelle, au même titre que le vin, les films de Truffaut ou les macarons : une marque déposée du romantisme hexagonal.

Guy de Maupassant l’avait déjà pressenti : « Le baiser est la plus sûre façon de se taire tout en disant tout ».

Et peut-être est-ce cela, le cœur du mythe : un silence habité, un dialogue sans syntaxe, une grammaire de peau.

Je me souviens encore de ce baiser au bord du Saint-Laurent gelé. (L’eau dormait sous une couverture de glace, le monde entier semblait retenir son souffle.) Il m’a embrassée, et le froid s’est transformé en comète. Quand il s’est éloigné, j’ai ri : « Alors ? C’était à la française ou à la canadienne ? »

Il a répondu, faussement sérieux : « C’était universel, ma belle ! »

Et voilà peut-être la vérité : il n’existe pas de baiser français, italien ou polonais ; seulement des baisers sincères, maladroits, vivants. Des baisers qui racontent ce que les mots n’osent pas dire, des baisers voyageurs qui abolissent les frontières.

Alors, la prochaine fois qu’on évoquera le « French kiss », je sourirai. (Parce que sous cette étiquette un peu cliché se cache un geste vieux comme le monde et neuf comme un frisson.) Et je poserai la question, malicieusement : « Et vous, votre premier French kiss, il avait quel accent ? »

Références

  1. Le Robert – Édition 2014 : entrée du verbe « galocher » (2014)
  2. Oxford English Dictionary : première attestation de “French kiss” (1923)
  3. Études sociolinguistiques sur les expressions argotiques françaises du baiser (2009)
  4. Analyse culturelle du romantisme français et du soft power (2020)


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