Les petits billets de Letizia

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Je ne peux rien enseigner à personne, Je ne peux que les faire réfléchir. (Socrate 470/399 A.JC)

La Souveraineté Cognitive Est Essentielle À Notre Démocratie

Entre Dictature Algorithmique Et Libération De L’Esprit Public

Comment Sortir De L’Économie De L’Attention Sans Renoncer À La Liberté Numérique

Les réseaux sociaux ont colonisé nos consciences. Sous prétexte de connexion, ils redessinent notre manière de percevoir, de juger, de penser. En l’espace d’une décennie, ils sont devenus non plus de simples outils, mais les « infrastructures civilisationnelles de notre époque », façonnant la mémoire collective autant que l’opinion individuelle. La France, comme le reste du monde, découvre qu’elle a laissé filer un bien commun fondamental : la liberté de l’esprit. Et si la véritable souveraineté du XXIᵉ siècle n’était pas militaire, énergétique ou technologique, mais cognitive ?

(Là réside le cœur du défi démocratique contemporain.)

Nos esprits sont devenus le champ de bataille invisible de l’économie mondialisée de l’attention. Chaque clic, chaque scroll, chaque micro-seconde passée sur une vidéo nourrit un modèle économique qui prospère sur notre distraction. La polarisation n’est pas un accident : elle est le moteur d’un système où la colère, la peur ou l’indignation deviennent des ressources exploitables. Le sociologue Gérald Bronner le résumait crûment : « les algorithmes cernent nos failles psychologiques pour nous servir des sucreries cognitives ». L’émotion remplace la raison, et la vitesse du flux tue la lenteur de la réflexion.

(C’est là que se loge la véritable dictature algorithmique.)

Or la démocratie ne peut survivre dans une société où l’attention se vend au plus offrant. Quand la visibilité remplace la véracité, quand la viralité dicte le débat, la pensée se dissout dans un brouhaha permanent. Le résultat ? Une population épuisée, surinformée mais sous-comprise, piégée entre indignation et impuissance. Les réseaux sociaux ont transformé la parole publique en arène affective où chacun crie pour exister. La raison, elle, s’efface doucement derrière les écrans.

Face à cela, la France tente de reprendre la main. La loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN), le Digital Services Act européen ou les réflexions autour d’une interdiction des réseaux sociaux avant 15 ans témoignent d’un réveil politique. Mais la régulation technique, seule, ne suffira pas. Tant que le modèle économique des plateformes reposera sur la captation du temps et la manipulation émotionnelle, toute réforme restera cosmétique. Réguler les algorithmes sans repenser l’économie de l’attention, c’est soigner la fièvre sans s’attaquer à l’infection.

(Le problème n’est pas la technologie, mais le pouvoir qu’elle exerce sur nos affects.)

Il faut aller plus loin : penser une politique de résistance cognitive. Cela passe par l’éducation, bien sûr : apprendre à chaque citoyen·ne à reconnaître les biais de ses propres réflexes numériques, à douter, à ralentir. Une campagne nationale, comme le slogan « Cinq secondes avant de cliquer », pourrait devenir un geste civique autant qu’un réflexe d’hygiène mentale. Ce n’est pas un luxe moral ; c’est une mesure de santé démocratique.

(La liberté de penser demande parfois de désobéir aux algorithmes.)

Mais il faut aussi soutenir des alternatives coopératives et non lucratives : réseaux fédérés, espaces contributifs, plateformes publiques du savoir. Ces modèles existent, souvent portés par des communautés locales ou universitaires. Ils prouvent qu’un autre internet est possible : un internet qui valorise la contribution plutôt que la captation. Certes, ces initiatives restent marginales, mais elles dessinent un horizon : celui d’une citoyenneté numérique affranchie du joug publicitaire.

La souveraineté cognitive, enfin, doit devenir un pilier de la stratégie nationale et européenne. Elle ne vise pas à censurer, mais à protéger : protéger la capacité de chacun·e à raisonner, à débattre, à croire ou ne pas croire sans subir la manipulation algorithmique. Comme l’écrivait Hannah Arendt, « penser est dangereux, mais ne pas penser est encore plus dangereux ». Il est temps que la République française se souvienne que la liberté d’esprit est sa première promesse.

(Et qu’elle commence, aujourd’hui, par la reconquête de notre attention.)

Alors oui, nous devons réguler, éduquer, résister. Mais surtout, nous devons réapprendre à habiter notre temps. Réapprendre à cliquer moins, à lire plus, à débattre sans s’indigner. Reprendre le contrôle, non pour fermer le monde, mais pour le rouvrir à la complexité. C’est dans ce combat, discret mais fondamental, que se jouera peut-être l’avenir de notre démocratie.

Références principales :

  1. Souveraineté cognitive et résilience stratégique : l’Europe face à l’impact des réseaux sociaux (2024)
  2. L’économie de l’attention à l’ère du numérique – Direction Générale du Trésor (2025)
  3. Rapport parlementaire sur la souveraineté numérique – Assemblée nationale (2024)
  4. Algocratie : comment les algorithmes transforment notre temps d’attention en revenus publicitaires – Marianne (2023)

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