Quand Les Grandes Promesses Croisent Le Sens Du Réel
Analyse des annonces irréalistes en France, entre symboles séduisants et défis industriels majeurs
En France, on a trois passions : promettre l’impossible, s’étonner que l’impossible coûte cher, et feindre la surprise quand la réalité industrielle débarque, l’air fatigué, pour rappeler qu’un avion de chasse ne pousse pas comme un pissenlit sur le terre-plein central du périphérique. Alors oui, si j’écris aujourd’hui, c’est parce que c’est du grand n’importe quoi. Et que le grand n’importe quoi, chez nous, c’est presque un patrimoine culturel immatériel.
Tout a commencé par une annonce aussi brillante qu’un décor de théâtre : cent Rafale promis à l’Ukraine, comme on offrirait cent roses rouges sans vraiment vérifier la limite de sa carte bancaire. Un geste noble, certes, mais qui donne l’impression qu’on confond un catalogue d’armement avec une liste de courses. Je regarde cela avec mes valeurs de sobriété, de cohérence, de réalisme, et je me dis que les symboles ont parfois la vie plus dure que la raison. Il faut croire que l’enthousiasme diplomatique permet de suspendre les lois de la physique, du budget et de la mécanique.
Et puis vient l’addition, cette grande dame élégante qui ne sourit jamais. On parle de dizaines de milliards d’euros, de pistes de financement aussi nombreuses que floues. On cherche sous les tapis européens une cagnotte oubliée, on fouille les programmes, on invente de nouveaux acronymes, on murmure même qu’on pourrait utiliser des avoirs gelés. À ce stade, j’attends seulement qu’on propose d’organiser un loto national spécial Rafale. Je me console en relisant Léonard de Vinci : « La simplicité est la sophistication suprême ». Sa phrase résonne comme un pied de nez à notre capacité très française à rendre tout inutilement compliqué.
Et la logistique, parlons-en, cette éternelle rabat-joie. Construire un Rafale prend des années ; même un bon pain au levain exige du temps, de la patience, un certain respect des cycles naturels. Mais nous vivons dans un monde où l’on confond déclarations politiques et baguette magique. On promet vite, on fabrique lentement, et au milieu, la réalité s’étouffe en rappelant que la chaîne industrielle a déjà un carnet de commandes long comme un dimanche d’hiver. Cela m’amuse parfois, ce besoin collectif d’aller toujours plus vite, même lorsqu’il serait urgent de ralentir.
Alors que reste-t-il, au bout du compte ? Un très beau symbole, certes, mais un symbole qui pèse lourd. Une promesse gonflée à l’hélium, qui monte très haut avant de redescendre avec la grâce d’un soufflé raté. Je regarde cela avec mes valeurs, mon souci de sens, mon goût pour le réel, et je me demande à quel moment nous avons commencé à préférer l’esbroufe au possible, l’annonce au concret, la rhétorique à l’action.
La conclusion est simple : si les grandes déclarations faisaient voler les avions, nous aurions déjà une armada au-dessus de l’Europe. En attendant, la physique reste têtue, les budgets frileux, et le bon sens en option. Mais je veux croire qu’un jour, nous reviendrons à l’essentiel : dire moins, faire mieux, et respirer un peu plus entre deux effets de manche.








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